Critiques: Les Galaxiales, de Michel Demuth

Un des grands monuments de la Science-Fiction française, laissé inachevé à la mort de son auteur il y a une vingtaine d’années, trouve ici sa complétude grâce à la plume d’une dizaine d’auteurs réunis sous l’égide de Richard Comballot.

Les Galaxiales, c’est un cycle de nouvelles dont l’ambition évoque celle des Seigneurs de l’Instrumentalité: raconter l’histoire future de l’Humanité, sur plusieurs milliers d’années. Michel Demuth avait commencé son cycle en 1965, l’avait poursuivi jusqu’à la consécration du Grand Prix de l’Imaginaire en 1977, malgré une carrière très accaparante. Quelques textes avaient été écrits dans les années 1980 et 1990, mais malheureusement, son décès devait laisser les Galaxiales inachevées, malgré une ébauche des textes qu’il restait à écrire et qui était connue depuis longtemps.
C’est grâce à la détermination de Richard Comballot d’achever cette oeuvre en mémoire de Michel Demuth que nous avons aujourd’hui ce volume des Galaxiales complété, ainsi que l’explique Serge Lehman dans sa préface.

La préface comme l’introduction sont excellentes et passionnées et m’ont quasiment convaincu d’aller acheter l’autre volume des œuvres de Michel Demuth (l’intégrale de ses autres nouvelles) avant même d’avoir entamé ce volume-ci. Surtout, ils retracent parfaitement l’histoire des Galaxiales et la vie de leur auteur, et donnent toutes les explications et les assurances sur les circonstances de leur achèvement par des auteurs tels que Ugo Bellagamba, Jacques Barbéri, Christian Léourier ou Dominique Warfa, pour n’en citer que quelques uns.

Les Galaxiales peuvent se scinder en trois parties, reflétant la vie (et « l’après vie ») de Michel Demuth. Le premier tiers du volume est très typé SF et se lit comme tous les classiques de l’époque, auxquels, clairement, Michel Demuth n’avait pas grand chose à envier. La toute première nouvelle de ce volume est d’une grande intelligence, le final est totalement inattendu… Les textes sont intelligents, et dessinent ce fameux avenir de l’Humanité selon la méthode de la « petite touche »: ce n’est qu’un élément de fond de l’histoire, pas son objet.

Le deuxième tiers m’a paru beaucoup moins SF et beaucoup plus « expérimental », là encore dans la mouvance de ce qui se faisait dans les années où ces nouvelles ont été écrites (années 1970). Le meilleur exemple en est la nouvelle « Elle était cruelle », écrite à la deuxième personne, comme dans un de ces livres dont vous êtes le héros. J’ai, personnellement, eu du mal à traverser ces textes, même s’ils restent bons.

Le troisième tiers, enfin, est probablement celui où les amateurs des Galaxiales ont le plus de craintes: difficile, en effet, de reprendre un cycle inachevé après la mort de son auteur, surtout quand on a affaire à un monument comme Les Galaxiales.
Le défi est-il donc relevé et surtout, réussi?
A mes yeux, oui, sans aucun doute. Les auteurs qui ont repris le cycle ne partaient pas d’une page blanche, et ont tous su inscrire avec succès leurs textes dans la grande fresque élaborée par Michel Demuth. Leurs textes renouent nettement avec la SF, par rapport aux textes du deuxième tiers. Les éléments de fond, les intrigues politiques, les rivalités entre empires, les rencontres du 3e type, la transformation de l’Humanité, tout y est évoqué tel que c’était sensé l’être, tout en développant des intrigues plus localisées et tout à fait intéressantes à suivre. J’ai énormément aimé Chasse en Syrénie de Christian Léourier, qui a vraiment mêlé avec brio une action typiquement SF avec un « fond culturel » qui pour le coup n’était plus vraiment de la « petite touche ». J’ai beaucoup moins apprécié Les Hommes-Soeurs d’Hermonville de Dominique Warfa, mais c’est certainement parce que l’histoire ne me parlait absolument pas, et non parce qu’elle serait ratée.

Dans l’ensemble, ce volume est une très belle découverte, et Kvasar a fait un très beau travail d’édition sur ce titre. Il ne manque qu’une seule petite chose qui je trouve aurait apporté un autre éclairage sur tous ces textes: j’aurais beaucoup apprécié que soit mentionnée la date de rédaction et de première publication des textes de Michel Demuth, qui ont été rédigés sur une période de plusieurs décennies. Pour la prochaine édition, peut être?

Que vous soyez connaisseur ou totalement nouveau face aux Galaxiales, vous pouvez aller les yeux fermés sur ce volume, car vraiment ce monument de la SF française vaut la peine d’être découvert.

Michel Demuth, Les Galaxiales – l’intégrale, éditions Le Bélial’, collection Kvasar, 2022 – 29.90€
ISBN 9782381630670

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