Le « cloaque comportemental » chez le rat et ses application chez l’Homme: l’expérience Mouse Utopia

Vous n’avez probablement pas entendu parler de l’expérience éthologique (l’étude des comportements animaux) baptisée « Mouse Utopia ».

Elle constitue, pourtant, l’une des études majeures de la seconde moitié du 20e siècle, plusieurs fois répliquée et vérifiée, et surtout jamais invalidée. Et les perspectives qu’elle offre sur l’avenir de la société humaine « post-moderne » sont des plus sombres…

John Calhoun a commencé à la fin des années 1950 ce qui se produisait quand une population de rats disposait en pleine nature d’un espace sans prédateurs, où se trouvaient en abondance nourriture, eau et matériaux. Il a répliqué cette expérience avec des rats de laboratoire en milieu fermé, puis, au tournant des années 1970, avec la fameuse expérience « Universe 25 », aussi appelée « Mouse Utopia ». Les trois expériences ont démontré que des animaux dits « sociaux » (dont font partie les êtres humains) finissent invariablement par adopter des comportements asociaux même lorsqu’il n’y a aucune rivalité pour les ressources, menant leur « société » vers l’extinction.

La vidéo (en anglais) que je vous poste résume en profondeur l’expérience.

Point ici de blabla concernant les riches et les pauvres, la lutte des classes et toutes ces conneries qui dédouanent en permanence les asociaux: chaque souris a accès à toute la nourriture, toute l’eau et tous les matériaux qu’elle désire. Seul l’espace diminue à mesure que la population augmente, mais la « colonie » peut théoriquement accueillir 3800 individus avant d’être en surpopulation.

Or, qu’observe-t-on?

Dans la première phase de l’expérience, il n’y a que 8 couples de rats, qui s’adaptent à leur environnement et à la présence des autres. Il leur faut du temps, mais ces rongeurs finissent par s’installer et se reproduire.

La deuxième phase, est celle d’une expansion rapide. La population double tous les 55 jours (une génération), comme une parfaite reproduction des travaux de Thomas Malthus. La population augmente jusqu’à un peu plus de 600 individus… et les choses basculent.

La troisième phase voit les souris réduire leur taux de reproduction, au point qu’il faut désormais 3 fois plus de temps (145 jours) pour que la population double. Il n’y a rien en terme physiques qui explique ce ralentissement: tout se passe au niveau social. Les souris subissent de plus en plus d’interactions entre elles à mesure que la population augmente, que ce soit pour la nourriture, la boisson, ou la construction des nids, sans même parler de la reproduction. Sur ce point en particulier, divers phénomènes apparaissent:

– les mâles dominants protègent leurs nids et leur progéniture, et chassent les autres mâles, qui se retrouvent au milieu de la colonie, où ils ont énormément de contacts avec les femelles mais n’ont pas accès à la reproduction avec elles. Au point qu’ils finissent par essayer de se reproduire entre eux voire de convaincre un dominant de se reproduire avec eux.

– les femelles sont hyper sollicitées pour la reproduction dès qu’elles sortent des nids pour aller chercher des matériaux propres ou de la nourriture. Elles finissent par ne plus sortir qu’exceptionnellement, mais sont épuisées et délaissent leurs petits. Ce délaissement est aggravé par le fait que les mâles dominants devant en permanence assurer la protection des nids finissent par ne plus pouvoir le faire, trop épuisés. La défense du nid incombe donc en dernier recours aux femelles, qui finissent par ne plus se reproduire du tout.

– l’agressivité générale explose, et même les enfants et les bébés finissent par la subir, parfois à mort. Toutes les souris ont des traces de morsure, en particulier sur la tête et la queue.

– certains individus essaient de fuir cet enfer d’interactions sociales constantes en s’isolant dans les zones les plus hautes de la colonie (et les moins occupées). Ils refusent toute interaction sociale, et passent leur temps à manger, boire, dormir, et se nettoyer la fourrure. Ils refusent même de se reproduire.

La quatrième et dernière phase est celle de l’extinction. Le délitement social de la colonie fait que toutes les souris, pourtant naturellement « sociales », sont désormais « individualistes ». Elles ne s’occupent plus que de leurs propres besoins, et la colonie ne fonctionne plus comme une société mais comme l’addition d’individualités. Il n’y a plus de naissances, et la population commence à s’effondrer, sans que rien, pas même l’augmentation de l’espace disponible par la diminution de population, ne contrebalance cet effondrement: l’esprit « social » est mort.

Tout le déroulement de l’expérience est expliqué ici par John Calhoun lui-même: https://www.ncbi.nlm.nih.gov/…/pdf/procrsmed00338-0007.pdf

Plusieurs explications ont été avancées, notamment le fait qu’il n’y avait pour ces souris plus aucun « défi », rien à accomplir, une fois que les nids ont été établis. Sans cohésion sociale maintenue artificiellement par le sentiment de lutte contre l’adversité, la colonie ne peut que devenir un enfer de comportements asociaux (individualistes) voire pathologiques. De fait, lorsque l’expérience a été reproduite avec de quoi stimuler la « créativité » des souris, les colonies ont pu perdurer plus longtemps, voire prospérer.

Une autre explication tendait au fait que les souris étaient « piégées » dans la colonie, et ne pouvaient pas « émigrer » pour fuir, ce qui n’aurait fait que reporter le problème dans le temps, puisque le cycle malthusien se serait simplement reproduit ailleurs.

Les principales critiques contre ces expériences qui, selon John Calhoun, offrent un aperçu sombre sur l’avenir de l’humanité, est que justement, l’être humain est plus complexe que de simples souris de laboratoire. Mais l’est-on vraiment? Tout ce qu’Univers 25 a vu se produire vous a probablement interpellé et vous a fait établir des parallèles avec notre propre société post-moderne actuelle. L’individualisme, la violence omniprésente, ce sentiment de n’avoir rien à accomplir, ces délires asociaux, l’effondrement des taux de natalité, tout résonne avec notre mode de vie urbain et périurbain contemporain.

Dans cette perspective, ces pseudo-luttes contre les inégalités sociales (qui ne font que les entretenir encore plus), ce combat ridicule contre le « réchauffement climatique » et ses déclinaisons écologistes (jamais environnementalistes), et tous ces grands combats idéologiques, prennent un jour nouveau: il ne s’agit que de nous divertir, de nous donner le sentiment d’accomplir quelque chose de nos existences pathétiques. Notre natalité, pourtant, continue de plonger. Elle n’est compensée que par l’importation d’individus allogènes, qui eux aussi subissent dès la deuxième génération les effets délétères de notre mode de vie post-moderne et deviennent aussi aliénés que « nous ».

Quel avenir, alors, pour notre espèce? Faut-il accepter ou lutter contre l’extinction? Et surtout, comment?

Il n’y a pas de solution « miracle »: il faut reconstruire la communauté, à taille humaine, celle où l’on connait le nom de chacun de ses voisins, en commençant par reconstruire l’unité fondamentale de toute société humaine: la famille. C’est quand la famille déraille que toute la société s’effondre.

Il ne faut pas non plus se leurrer: c’est un travail qui se réalise sur plusieurs générations. Nous ne pouvons que planter les graines, nous ne verrons pas les fruits. C’est comme cela que se sont construites toutes les grandes civilisations, en particulier les nôtres, de l’Atlantique à l’Oural.

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