Tous les articles par Tiephaine G. Szuter

Qu’est-ce que le capitalisme?

Je lis en permanence des articles et des livres parlant du Capitalisme qui ruinerait le monde et serait la cause de tous les malheurs de cette planète. Pollution, destruction d’espèces animales et végétales, misère humaine, le Capitalisme semble être d’après tous les auteurs qui en parlent une abomination dont on comprend mal comment l’Humanité en supporte le poids mortifère.

Il se trouve que je suis économiste: j’ai un Master d’économie, et j’ai suivi un an de programme d’enseignement doctoral à Turin. Et j’ai beau avoir réussi haut la main mes études, je n’arrive toujours pas à comprendre de quoi les économistes de think tanks comme Les Economistes Atterrés, Terra Nova, et des tas et des tas d’autres peuvent bien nous parler.

A vrai dire, je pense qu’eux-mêmes ne le savent pas.

L’enseignement de l’économie en France, et de manière générale en Europe, est un enseignement essentiellement mathématique. L’économie était jusqu’aux années 1870 considérée comme une science sociale, et s’appelait « Economie Politique ». Il s’agissait d’appliquer de bonnes « recettes » de gouvernance pour gérer un budget, la production industrielle, la monnaie… Ses principes étaient dits « politiques », par opposition à la mécanique et aux mathématiques. L’Economie était ainsi régie par des principes philosophiques, et les économistes étaient des penseurs, et non des « calculateurs ».

La situation a changé au tournant des années 1870, avec ce qu’on appelle la « Révolution Marginaliste ». Trois grands courants naissent à cette époque: ce qu’on appellera l’école autrichienne, avec Carl Menger, l’école de Cambridge avec William Jevons, et l’école de Lausanne avec Léon Walras. Ces deux derniers courants se confondent dans ce qu’on appelle l’économie Néo-Classique.

Walras n’avait pas une formation d’économiste: il sortait de l’école des Mines de Paris, et était ingénieur. De par sa formation, il s’est employé à développer une méthode de calculs précis à appliquer à l’économie, une véritable révolution en soi. Grâce à des équations, il devenait possible de calculer le rendement horaire d’une usine, ou d’un employé, d’optimiser la production en fonction des coûts et bénéfices attendus, et au final, de prévoir l’ensemble de l’Economie. Parce que Walras est français et que son influence à l’époque est considérable, sa démarche mathématique se répand en France comme une trainée de poudre et détrône la vieille économie politique, et ceci d’autant plus que l’économie politique était issue de la Perfide Albion.

Près de 150 ans plus tard, c’est toujours cette économie mécaniste qui est enseignée en France, et l’économie politique a quasiment disparu. Ce qui signifie que quand vous entendez un économiste français parler, vous êtes garantis qu’il a une vision de l’économie totalement déconnectée de ce qu’elle est: une activité humaine.

Alors qu’est-ce que tout ça a à voir avec le Capitalisme?

Tout, à vrai dire. L’économie néo-classique, ultra dominante aujourd’hui, est une économie de l’optimisation d’équations où les travailleurs deviennent des variables ajustables, et d’où tout ce qui ne concerne pas le résultat économique attendu, c’est à dire le profit, est tout simplement écarté des calculs. Si vous prenez les courbes produites par Thomas Piketty dans son médiocre Capital au XXe Siècle qui avait fait couler tant d’encre dans les médias à sa sortie, vous pourrez constater qu’à aucun moment n’apparaissent de variable concernant la pollution ni aucun facteur environnemental, ni même social. Comme tous les autres, il se contente de facteurs dans des équations pré-définies (par lui ou d’autres économistes pensant comme lui), qui sont fixées sans prendre en compte les futures évolutions que connaît notre société ou notre monde. Et comme ces équations déshumanisées ne peuvent pas fonctionner dans un monde en perpétuelle évolution sous l’effet de l’action humaine, leurs résultats sont faux, et leurs effets sont généralement délétères. Si je parle de Piketty, c’est tout simplement parce qu’il était (parmi d’autres) conseiller économique de François Hollande: on en a vu le résultat. Piketty a bien essayé de s’éloigner de la catastrophe qu’a été le quinquennat d’Hollande en prétextant que certains de ses conseils n’avaient pas été suivis, mais il a soigneusement oublié de préciser que l’essentiel de ses préconisations avaient été suivies d’effet, avec les conséquences que l’on connait.

Ces économistes, pour expliquer l’échec de leur méthode mécaniste (« si je change ceci, ça influencera toujours cela en retour dans telles proportions »), se déchargent de leurs responsabilités et blâment le « Capitalisme ». Vous remarquerez qu’ils ne prennent jamais la peine d’expliquer de quoi ils parlent: il leur suffit d’agiter vaguement les « 1% », de parler des riches contre les pauvres, et ils s’en tirent avec une pirouette.

En réalité, le Capitalisme n’est ni une idéologie comme peut l’être le Marxisme, ni même un courant économique. Le Capitalisme est un mode de développement totalement apolitique: un entrepreneur investit dans les moyens de production de son entreprise pour en augmenter les capacités, ce qui génère en principe plus de revenus et améliore son bénéfice, dont il pourra se servir pour développer ses moyens de production, et ainsi de suite. Et c’est tout. Le capitalisme est simplement une façon de gérer son entreprise en faisant en sorte qu’elle s’agrandisse grâce au réinvestissement des bénéfices dans les moyens de production.

Le Capitalisme est, comme je l’ai mentionné, apolitique. Il s’oppose à la Chrématistique, c’est à dire à l’accumulation des richesses pour elles-mêmes. Cette notion, qui remonte à Aristote, désigne tout comportement visant à un enfermement des richesses (principalement l’or et l’argent, en pièces ou en lingots) dans des coffres, à la manière de l’Avare de Molière: cette monnaie accumulée ne sert à rien; or l’essence de la monnaie est de permettre l’échange de biens ou de services. C’est l’absence de réinvestissement (et l’avarice qui en est à l’origine) qui génère les troubles dans la société humaine.

Après avoir lu ceci, pensez-vous que nous sommes dans une société capitaliste, ou dans une société chrématistique?

Poussons encore plus loin. Tout le monde oppose aujourd’hui « Capitalisme » et « Marxisme » (ou ses dérivés communistes, socialistes, etc…), or le Marxisme n’est rien d’autre que l’appropriation des moyens de production par ceux qui les utilisent, réunis en coopératives elles-mêmes unies et régies par le Parti des travailleurs (ou parti communiste) dans une structure étatique sensément au service de la classe ouvrière. Le Marxisme ne parle jamais d’accumuler des richesses: son principe est de les réinvestir pour accroître le bien-être social. Et comment accroître sans cesse le bien-être social? Vous comprenez où je veux en venir: le Marxisme et tous ses dérivés sont par essence capitalistes. Karl Marx était un historien, et non un économiste, et a désigné par le terme « capitalisme » le comportement prédateur visant à s’approprier toujours plus de richesses, ce qui est la définition même de la chrématistique aristotélicienne.

Cette méprise a des répercussions cataclysmiques aujourd’hui: sous couvert de lutter contre le « capitalisme », nos dirigeants favorisent en réalité la prédation économique et la concentration des richesses mondiales dans les mains de quelques uns, dont ils font partie. Or, l’appropriation des richesses mondiales par des grands dirigeants de multinationales financières qui exigent des profits de plus en plus élevés provoque une baisse drastique des réinvestissements. L’économie mondiale est financiarisée, mathématisée, déconnectée de l’économie réelle. Seules comptent les équations, toujours plus complexes, et les chiffres: coûts, profits, pourcentages. L’affaiblissement du réinvestissement réduit considérablement le développement mondial. Que l’on ne confonde pas ici Développement et Progrès technologique. Si ce dernier n’a pas l’air d’être affecté, c’est parce qu’en réalité il se concentre sur un petit nombre de domaines très rentables. En fait, sans nous en rendre compte, notre niveau technologique baisse: la durabilité et la qualité de nos objets a chuté, leur technicité est sans cesse réduite, et leur apport en terme de bien-être est devenu marginal, pour ne pas dire nul. Nos aliments sont empoisonnés, notre environnement est détruit, notre qualité de vie est dégradée, et nos habitats deviennent carrément nuisibles. Seuls quelques produits, pour la plupart informatiques ou électroniques (smartphones, ordinateurs…), bénéficient d’un véritable progrès, qui commence à avoir du mal à cacher la véritable régression que l’on connait ailleurs.

Ne vous laissez plus avoir. Seul le Capitalisme est gage de progrès, et pourra sortir l’Humanité de l’ornière où elle a été plantée par quelques milliers d’accapareurs qui tôt ou tard devront rendre des comptes.


Le grand remplacement est une réalité

Bon, tiens, on va parler de la « théorie du grand remplacement ». Alors tout le monde ces derniers jours vous balance jusqu’à la nausée que c’est à cause de Renaud Camus, dont plusieurs bouquins portent sur les questions démographiques et dont l’un porte ce titre, que l’extrême-droite fantasme sur un « prétendu complot visant à remplacer les populations blanches européennes au profit des populations noires africaines ».
Il faut savoir que Renaud Camus n’a fait que reprendre ce terme de « remplacement de populations », il n’en est pas l’inventeur. D’où est-ce que ça vient?
De l’ONU, mesdames et messieurs, rien moins que de l’ONU et de son organe « International Organization for Migration ». Le terme de « migration de remplacement » (« replacement migration ») se retrouve ainsi noir sur blanc sur le site de l’organisation internationale la plus connue et la moins soupçonnable d’accointances d’extrême droite. L’organe en question a, entre autres, publié un rapport sur les migrations internationales, le 17 mars 2000. On peut y trouver des tas de références au remplacement de populations européennes par les migrants (notamment d’Afrique), parce que le taux de fertilité des européens est moins élevé que celui des migrants. De fait, les populations blanches européennes ont tendance à se réduire inexorablement, tandis que celles des migrants extra-européens ne peuvent qu’augmenter en nombre et en proportion.
Le rapport est là: https://publications.iom.int/…/files/pdf/wmr_2000_edited.pdf
Et la page consacrée est là: https://www.un.org/press/en/2000/20000317.dev2234.doc.html.
Il ne s’agit pas d’une théorie, mais d’un fait, avéré, et constatable dans la vie quotidienne, qui n’a rien à voir avec le complotisme ou l’extrême droite, mais tout à voir avec la démographie. C’est un phénomène généralisé à tous les pays développés, mais qui touche particulièrement l’Occident, parce que nos dirigeants ont fait le choix dans les années 1970 de recourir à l’immigration pour compenser la perte de main d’œuvre que le vieillissement des populations et la diminution des taux de fertilité allaient provoquer après 2000. Le Japon, lui, a fait le choix de la robotisation; l’Europe a délocalisé ses moyens de production en Asie, amplifiant encore le problème du chômage, né, comme par hasard, dans les années 1980, soit après l’instauration d’un véritable laxisme d’Etat sur les questions migratoires (et l’instauration du regroupement familial, qui a causé un mal terrible à notre société pour des tas de raisons socio-économiques).
Encore une fois, ce n’est pas une théorie, c’est un fait, une politique publique menée dans toute l’Europe de l’ouest depuis 40 ans, que l’on peut reconstituer à partir de toutes les lois et de toutes les statistiques démographiques.

La Comédie de Dante, par Kolja Micevic

Pour cette première critique littéraire sur Sombre Plume, j’ai choisi de vous présenter rien moins que La Comédie du génial Dante Alighieri. Plus exactement, plutôt que de présenter la Comédie elle-même (exercice vu et revu depuis deux siècles), je vais vous présenter la Comédie telle que l’a traduite Kolja Micevic, parue aux éditions Esopie.

Reçu le mois dernier en service de presse, j’avais trente jours pour en publier une critique sur Babelio, un site communautaire dédié aux livres. Hé bien croyez moi, trente jours pour lire l’intégralité de la Comédie, ce n’était pas de trop…

Evidemment, rien de tel pour lire la Comédie que de le faire avec un verre d’absinthe…

Lire la Comédie de Dante est toujours une aventure littéraire. Je l’ai lue la première fois il y a une dizaine d’années dans les œuvres complètes de Dante, parues dans la collection Bouquins. J’avais été un peu chagriné par une traduction assez plate, même si l’effort avait été mis pour lui donner une forme poétique. Mais elle était très loin de rendre honneur au texte original, beaucoup, mais alors beaucoup plus complexe, si bien qu’arrivé au milieu du Purgatoire, j’avais perdu toute envie de continuer.

J’adore pourtant ce texte , pour l’importance qu’il a dans l’histoire de la Littérature et des Arts en général. J’en ai une bonne dizaine d’éditions (dont l’édition originale de la traduction par Arnaud de Montor du Paradis, en 1811!), illustrées ou non, et j’ai même relié moi-même l’une de mes versions pour lui donner un bel habillage de cuir rouge. Y revenir était donc un plaisir que j’attendais avec impatience.

Et quel bonheur ça a été!

La traduction de Kolja Micevic est tout simplement excellente, la meilleure dont je pouvais rêver. La minutie avec laquelle il a respecté la technique poétique de Dante est tout bonnement magistrale. Les rythmes, les rimes, cette fameuse Terza Rima, l’emplacement des noms au cœur du vers ou en position de rime selon l’importance que Dante leur donne, la richesse de la langue dantesque, les rimes latines au milieu de la langue courante, tout y est, du début à la fin.

Mais ce que j’ai le plus apprécié, au-delà de ce travail qui déjà mérite les éloges, est que Kolja Micevic s’est employé à signaler dans les notes chaque fois qu’il a dû adapter sa version ou choisir tel mot plutôt qu’un autre, permettant de mieux saisir les nuances du texte original. En plus de ses propres notes, Kolja a également inclus les notes de précédents traducteurs de Dante, comme Rivarol ou Arnaud de Montor, qui éclairent sur le sens parfois obscur de tel ou tel passage. C’est à dire qu’en plus de produire un texte quasi-parfait et de donner des indications pour les futurs traducteurs et ses lecteurs, Kolja Micevic nous fait plonger dans la tradition dantesque en nous tenant par la main pour nous faire rencontrer ses prédécesseurs.

Kolja nous dévoile en plus les arcanes de la poésie de Dante, cette « rimagination » qu’il révèle avec une passion qu’il parvient à transmettre à son lecteur. Tout l’art de Dante a été en effet d’inventer des moyens de contourner certaines difficultés de sa langue pour faire rimer des mots d’une manière totalement inédite, en inventant des mots (on appellerait ça des néologismes aujourd’hui), en décomposant certains autres… Si cela passe pour une forme de « triche », cela ne dénature pas la poésie de la Comédie, bien au contraire! En faisant appel à l’imagination pour rimer (et pas que rimer, d’ailleurs, puisqu’on trouve le procédé à l’intérieur des vers), Dante a créé un texte unique, qui explique son retentissement dans l’Italie de la Renaissance.

La Comédie s’accompagne ici, en plus des notes, d’un index des noms rencontrés dans l’Enfer, le Purgatoire et le Paradis, qui offre parfois de précieux renseignements pour comprendre le sens du poème. On sent vraiment le travail énorme mené par Kolja pour cette édition inégalée, même chez la Pléiade, qui fait pourtant référence en matière de Littérature.

A ce texte magistral s’ajoutent les illustrations de Vladimir Velickovic (dont une est visible sur la couverture), dont le style colle parfaitement avec l’Enfer, mais un peu moins avec les deux autres parties de la Comédie. J’avoue avoir moins apprécié son style contemporain que les gravures de Gustave Doré ou que les peintures de Botticelli, mais c’est parce que je suis un grand amateur des classiques. D’autres sauront apprécier ces illustrations beaucoup mieux que moi, je n’en doute pas un instant!

Au final, mon seul regret aura été d’avoir dû précipiter ma lecture: je n’avais que 30 petits jours pour déguster l’immense travail de Kolja Micevic. Trop court pour s’y plonger pleinement et en digérer chaque partie comme il se doit… Ce qui me dit que je n’attendrais pas dix ans pour m’y replonger, cette fois!

Les éditions Esopie ont vraiment fourni un travail remarquable sur ce livre, malgré une ou deux petites imperfections très, très mineures. L’ouvrage est vraiment beau et résistant, avec un papier de qualité très agréable au toucher. Je me permets deux petites remarques pour les éditions ultérieures: l’absence de numéros de ligne a été un peu handicapant pour certains commentaires qui y font justement référence, et si j’ai beaucoup apprécié que les commentaires soient en fin de chant plutôt qu’en fin d’ouvrage comme c’est trop souvent le cas, il me semble personnellement que les avoir en bas de page améliorerait beaucoup la lecture.

Le travail de Kolja Micevic sur Dante est, à mon avis, le meilleur dont on puisse rêver pour la Comédie. Sa version en est un régal pour les connaisseurs, même si je conçois qu’elle soit ardue pour les lecteurs peu habitués à la poésie et qui découvrent Dante pour la première fois. Ses commentaires éclairants démontrent à quel point il a su pénétrer l’essence de la Comédie, et je ne vois pas comment on pourrait faire mieux, à part peut être en incluant la Vita Nuova en guise d’introduction « éclairante » et le texte original en regard. Mais là on aboutirait à un gros pavé de 1500 pages, ou une édition en trois tomes, forcément de luxe…

Cette Comédie est un véritable bonheur que je ne peux que recommander chaleureusement. Un immense merci à Kolja Micevic d’avoir donné à La Comédie de Dante l’écrin qu’elle mérite dans notre belle langue française!

Dante Alighieri, La Comédie, selon Kolja Micevic. Editions Esopie, 2017, 35€
ISBN : 9791092404036

L’économie du Zimbabwe: une leçon pour les apprentis-sorciers

« Non mais l’autre, il nous parle du Zimbabwe, c’est quoi cette blague? »

Si j’aborde le sujet de l’économie du Zimbabwe, c’est parce que l’exemple de ce pays est l’archétype de tout ce qu’il ne faut pas faire quand on veut développer une économie de façon stable et pérenne.

Le Zimbabwe, c’est là, en vert.

Commençons par quelques données sur le pays, qui abrite une population de 16 millions de personnes, appartenant ultra-majoritairement à l’ethnie Shona (80% des habitants). Déjà, il faut savoir le Zimbabwe est l’un des rares pays africains à avoir abrité une civilisation dont on connait relativement bien l’histoire, et ce dès le Ve siècle de notre ère. Lorsque les anglais colonisent la région, sous le nom de Rhodésie à la toute fin du XIXe siècle, la civilisation Shona est en déclin depuis près de 4 siècles.

Pour des raisons d’organisation administrative, le pays est découpé en deux, avec la Rhodésie du Nord, et la Rhodésie du Sud. Ils essaient de rattacher la Rhodésie du Sud à l’Afrique du Sud, ce qui est un échec sur tous les plans, et les anglais décident de laisser de côté ce pays pour se concentrer sur le développement de l’Afrique du Sud et de la Rhodésie du Nord.

Avec la décolonisation, est créée une Fédération regroupant les deux Rhodésies et le Nyassaland. On lit souvent que c’était pour préparer une indépendance sur le modèle sud-africain, avec des blancs à la tête de la Fédération en vue de conserver un accès aux ressources minières, mais l’idée me semble grotesque pour des tas de raisons que je ne développerais pas ici. Disons seulement qu’avec des blancs ultra-minoritaires, dans une dynamique de décolonisation, je ne vois pas comment cela aurait été possible. Toujours est-il que la Fédération éclate en 1964. La Rhodésie du Nord devient l’actuelle Zambie et le Nyassaland devient l’actuel Malawi. La Rhodésie du Sud reste la Rhodésie, menée par le Gouvernement de Ian Smith, qui perdurera jusqu’en 1979.

Ian Smith en couverture du Time, 5 novembre 1965

L’histoire post-indépendance de la Rhodésie du Sud est complexe, et mériterait un article à elle seule, aussi vais-je abréger en mentionnant simplement qu’à la suite d’une longue guerre contre les mouvements rebelles soutenus par les anglais (qui avaient refusé la déclaration d’indépendance de Ian Smith en 1964), écrasés par des pressions internationales et minés par des dissensions internes, la Rhodésie du Sud de Ian Smith devient le Zimbabwe de Robert Mugabe en 1980.

Commence alors un déclin économique unique dans l’histoire de la décolonisation.

Une économie détruite par l’avidité et l’incompétence

L’organisation économique du Zimbabwe de Mugabe était corporatiste, c’est à dire que chaque corps de métier est regroupé et s’auto-organise lui-même, en fonction de ses intérêts. Pensé comme la panacée pour tirer le maximum de chaque corps (agriculture, industrie, armée, santé publique…), le corporatisme crée en réalité les bases pour une société de conflits d’intérêts qui finit par paralyser une économie, parce que chaque corps se dispute l’exercice de telle ou telle activité. L’un des exemples types est celui du pain: l’agriculteur produit le blé, le boulanger produit et vend le pain. Mais entre les deux, il faut moudre le grain pour produire de la farine. Problème: le meunier relève-t-il de l’agriculture, ou du commerce? On crée pour résoudre le conflit un nouveau corps de métier pour départager le fermier et le boulanger. Seulement il faut amener le blé au meunier, puis livrer la farine au boulanger, une activité de transport. Vous comprenez le problème: on multiplie les intervenants, donc les intermédiaires, et donc les coûts, et très vite, le système s’asphyxie parce qu’il n’y a plus assez de monnaie en circulation.

Mugabe avait également fait mettre en place un système social complet: salaire minimum garanti, durcissement des règles juridiques encadrant le licenciement, dépenses publiques d’éducation et de santé qui triplent en dix ans, développement de l’emploi public jusqu’à lui faire peser 60% des emplois du pays, et pour permettre à tous les habitants d’accéder à la propriété puis à une société de consommation, les prix des biens et les taux de crédit étaient contrôlés par l’Etat.

Pour soutenir cette consommation intérieure, les entreprises devaient payer d’énormes taxes si elles souhaitaient exporter leurs produits. Or une telle politique conduit à déséquilibrer la balance commerciale: en exportant moins que ce qu’on importe, on réduit l’afflux de capitaux étrangers qui servent à payer les importations. Il faut donc acheter des devises étrangères pour payer ces importations, et pour maintenir un niveau de liquidités suffisants dans le pays pour faire tourner l’économie réelle (celle des gens dans les commerces).

Dernier ingrédient pour déclencher une crise économique majeure, le gouvernement Mugabe a interdit aux compagnies étrangères ayant des activités au Zimbabwe d’y distribuer des dividendes à leurs actionnaires, pensant ainsi favoriser les primes aux salariés. Or, dans les années 1980 (et ce n’est plus le cas aujourd’hui), les dividendes servaient avant tout à rémunérer les investisseurs étrangers qui apportaient de l’argent frais (et surtout, des devises étrangères) dans le pays pour développer son économie. En empêchant ce versement de dividendes, Mugabe a en réalité empêché les investisseurs étrangers de dépenser leur argent dans les projets des entrepreneurs locaux, qui en avaient pourtant désespérément besoin pour créer des emplois dans le secteur privé.

Résumons: des dépenses publiques énormes (à hauteur de 45% à la fin des années 1980), un déficit commercial qui assèche les liquidités du pays, et une politique décourageant l’afflux de capitaux étrangers pouvant compenser cet assèchement et aider dans le même temps au développement de l’économie, qui ne peut pas compenser avec des taux d’intérêt et des prix flottants puisque ceux-ci sont contrôlés par l’Etat.

Les interventions gouvernementales des années 1990

Face au problème de la dette publique s’accroissant à un rythme alarmant, le gouvernement Mugabe a tenté plusieurs réformes dans les années 1990. Le plus évident en cas d’assèchement des liquidités dans un pays est une émission monétaire, dont le résultat est une dévaluation de la monnaie. Le gouvernement injecte donc sur son marché intérieur un vaste volume de cash, dévaluant le dollar zimbabwéen de 40%. Au même moment, le contrôle des salaires, des prix des denrées et des taux d’intérêt est levé.

Le remède, appliqué de façon aussi rapide, est encore pire que le mal puisque cela crée dans le même temps une baisse des salaires, une hausse des prix des denrées alimentaires et des taux d’intérêt, et une hausse du chômage, sans pour autant réduire le problème des déficits publics qui restent au même niveau.

Sans surprise, l’économie du pays est mise K.O. par ces réformes, et s’ensuit une période de chaos économique. La situation est en fait similaire à celle des pays d’Europe de l’Est à la chute de l’empire soviétique, et tout comme pour eux, des signes d’amélioration timide commencent à se faire sentir au milieu des années 1990, preuve que les réformes commencent à produire leurs effets positifs (meilleure efficacité de l’économie, retour à l’emploi pérenne, circulation des capitaux dans l’économie réelle, prix des denrées représentant leur véritable valeur…). Additionnées à l’aide internationale, ces mesures auraient pu rendre au Zimbabwe une vraie dynamique et lui permettre un développement accéléré, et ceci d’autant plus que le pays est riche en ressources minérales.

Seulement voilà, Mugabe était un dirigeant apparemment décidé à ravager son propre pays, puisqu’il a décidé en 1998 d’engager l’armée du Zimbabwe en République Démocratique du Congo (autre pays souffrant d’un chaos politique et économique, aggravé par la convoitise de ses voisins comme le Rwanda et le Burundi sur ses ressources minérales…). Cette action en RDC, totalement illégale et contreproductive, aboutit à la suspension de l’aide internationale, pourtant vitale pour l’économie du pays. Après tout, si le Zimbabwe peut se permettre des opérations militaires, pourquoi continuer à lui verser de l’aide économique pour sa population? Les millions de dollars qui affluaient permettaient de maintenir la balance commerciale et soutenaient l’économie réelle avec de l’argent circulant permettant de ne plus émettre de monnaie nationale (et donc de dévaluer). Sans cette aide, l’économie du Zimbabwe est repartie dans une spirale descendante aboutissant à l’explosion des années 2000.

L’Hyperinflation et la ruine du Zimbabwe

Avec un tel climat économique, le Zimbabwe était clairement condamné sur le plan économique à devoir subir un déclin irrémédiable, avec au bout l’implosion de tout le système. Cette seule phrase résume à elle seule la décennie 2000, qui a vu la dette extérieure du pays exploser, son économie réelle s’effondrer, et sa monnaie subir une hyper inflation comme on n’en avait plus vu depuis les années 1920 en Allemagne et en Autriche, suite à la Première Guerre Mondiale.

Un billet avec une somme absurde, ne valant rien, sauf pour les numismates…

En réalité, je pense qu’on peut même dire que la situation du Zimbabwe était inédite dans l’histoire, encore pire que dans les années 1920. Pensez donc: en 2009, vous pouviez voir sur le bas côté des routes des billets de plusieurs milliards de dollars zimbabwéens que personne ne se donnait la peine de ramasser, tant ils ne valaient rien. Le plus gros billet de l’histoire de la monnaie a été émis au Zimbabwe, pour une valeur faciale de 100 000 milliards, l’équivalent de quelques dizaines d’euros seulement.

L’histoire du dollar zimbabwéen est elle-même révélatrice de l’immense problème généré par l’intervention gouvernementale dans l’économie. Créé en 1980, le dollar zimbabwéen ( surnommé Z$ pour plus de simplicité ci-après) voit sa valeur s’éroder au fil des ans, indépendamment des épisodes de dévaluation volontaire. D’une valeur d’environ 1,5 $US pour 1 Z$ en 1980, il fallait 1 million Z$ du pays pour acheter 1 livre sterling en 2006. En 2006, le gouvernement tente d’enrayer la crise en annonçant un changement de monnaie, avec une valeur de 1 $US pour 1000Z$, sans changement macro-économique préalable pour assurer la viabilité de cette monnaie. Même causes, même conséquences: l’inflation est repartie de plus belle, à ceci près que cette nouvelle monnaie n’avait plus la confiance ni de la population, ni des étrangers commerçant avec le pays. De facto, le dollar US est devenu la monnaie préférentielle pour les échanges commerciaux, tant à l’étranger qu’en interne, ce qui d’une part forçait les entreprises zimbabwéennes à acheter des dollars à un taux très désavantageux pour elles, et d’autre part, amenait la population à trafiquer des dollars US sur un véritable marché noir. Or, plus le dollar américain entrait dans l’économie du pays (sans intervention en ce sens de la part des Etats-Unis, il faut le préciser), et plus la défiance envers le dollar zimbabwéen augmentait, faisant gonfler l’inflation à un rythme soutenu.

Pour essayer de rétablir la situation économique devenue catastrophique, le gouvernement Mugabe change une nouvelle fois sa monnaie, avec un taux de 10 milliards Z$ anciens pour 1 Z$ nouveau, au 30 juillet 2008. Or, cela ne changeait strictement rien, puisque aucune réforme macroéconomique n’avait eu lieu, une situation très vite évidente puisque dans les semaines qui suivent, Mugabe fait autoriser certains détaillants à accepter les devises étrangères, en particulier US$ et Rand sud-africain, comme moyen de paiement légal. Cette autorisation bouleverse totalement l’économie à cause du signal qu’elle envoie: puisque d’autres monnaies avaient désormais cours dans le pays, cela signifiait que le Z$ ne valait plus rien. En moins six mois, cette nouvelle dénomination monétaire était devenu l’échec le plus absolu de l’Histoire de la Monnaie, avec l’émission de ce fameux billet de 10 trillions de Z$ (valant sur les marchés internationaux environ 50 US$).

Une dernière tentative de sauvetage du dollar zimbabwéen a lieu en février 2009, avec une valeur de 1 000 milliards de Z$ anciens pour 1 Z$ nouveau (et il fallait 300 000 milliards de Z$ anciens pour 1 US$). Une fois encore, sans réforme macro-économique, l’absence de confiance dans cette monnaie ne pouvait que conduire à un désastre encore plus rapide que les précédents. Aggravée par l’annonce du gouvernement que désormais toutes les devises étrangères seraient acceptées dans le pays, la crise aboutit à la suspension définitive de la cotation du dollar zimbabwéen en avril 2009. L’annonce constatant de facto la mort de cette monnaie n’a eu aucun effet sur l’économie, qui à cette date était de toute façon entièrement « dollarisée », effectuée en dollars US, voire en têtes de bétail dans les régions rurales, où la forme d’échange était revenue au troc…

L’annonce de la démonétisation définitive du Z$ en 2015 est passée presque inaperçue.

La malédiction du Zimbabwe

Le Zimbabwe avait pourtant tout pour être un pays riche et prospère. Dès l’indépendance de 1965, le gouvernement de Ian Smith avait mis en place les bases d’une économie saine, fondée sur l’agriculture, qui est l’un des secteur les plus dynamiques de ces régions fertiles de l’Afrique. L’agriculture devait permettre la constitution de capitaux nécessaires pour assurer la crédibilité internationale des finances du pays, et attirer des investisseurs pour exploiter les riches ressources minérales du Zimbabwe.

Le pays possède de très riches réserves de charbon (8 milliards de tonnes prouvées), des diamants (4% de la production mondiale), du Platine (10% de la production mondiale), du Palladium (5% de la production mondiale), de l’or, de l’argent, des minéraux technologiques comme le cobalt…

En fait, le Zimbabwe devrait théoriquement être l’un des pays les plus riches d’Afrique. Il ne subit pas l’ingérence étrangère comme peut la subir la République Démocratique du Congo, et est en relative paix au niveau civil, du fait de sa grande homogénéité ethnique (plus 80% de la population est de l’ethnie Shona). Comment expliquer, dans ces conditions, que le pays soit l’un des plus pauvres du monde?

Il faut remonter à 1980, et l’arrivée au pouvoir de Mugabe, qui a constitué une véritable catastrophe pour la population blanche, qui détenait majoritairement l’agriculture entre ses mains. Prétextant le « racisme » des blancs, Mugabe s’est employé à détruire les liens entre populations noires et populations blanches et à ostraciser ces dernières pour reprendre leurs terres, avec l’appui du gouvernement anglais qui l’avait mis au pouvoir. Comme il faut s’y attendre dans une économie basée sur l’agriculture depuis les années 1960, une telle attaque contre les fermiers blancs a mené à un déclin inexorable de tout le secteur, fragilisant les bases d’une économie déjà malmenée par les réformes que j’ai mentionnées plus haut. Pendant les décennies suivantes, Mugabe s’est employé à décharger ses responsabilités sur les « racistes » blancs, qu’il a fait persécuter. Alors qu’ils représentaient 275 000 personnes en 1975, les blancs n’étaient plus que 29 000 personnes en 2012. En 2015, Mugabe a fait voter une énième loi pour exproprier manu militari et sans compensation financières 3000 des 4500 familles de fermiers blancs qui restaient dans le pays, appelés à « quitter le pays ou mourir ». Cette loi a achevé de détruire le secteur agricole zimbabwéen, au point que le nouveau gouvernement, qui a pris le pouvoir en 2017, envisage de faire revenir ceux qui ont dû fuir en Afrique du sud et en Zambie pour survivre.

Robert Mugabe a été chassé du pouvoir le 14 novembre 2017, après 37 ans de règne de fer, dans un coup d’Etat dirigé « contre ses proches » accusés de détruire l’économie du pays. En n’accusant pas Mugabe de leurs maux, les mutins ont voulu préserver le pays d’une guerre civile qui n’aurait pas manqué d’éclater autrement…

Robert Mugabe, je l’ai dit, semble s’être évertué à détruire son pays, à la fois par incompétence et par avidité. L’intervention militaire de 1998 en RDC avait apparemment pour objectif non avoué de sécuriser les avoirs miniers que Mugabe avait secrètement acquis, et qui étaient menacés par des rebelles. Mugabe a apparemment pillé avec ses proches l’un des fonds de réserve constitué par la vente de diamants, pour une somme ahurissante de 25 milliards de dollars américains. Il dispose de résidences un peu partout dans le monde, chacune valant plusieurs millions de dollars US. Toute sa fortune s’est construite au détriment des zimbabwéens, et continue de se faire à leur détriment puisqu’il touche 1 million par an, en compensation pour le coup d’état qui l’a renversé en 2017, et ce jusqu’à sa mort (il a 95 ans).

Le nouveau président Mnangagwa n’est pas un inconnu puisqu’il était l’un de ses compagnons de route dès les années 1970. Il a acquis son surnom de « boucher » peu après l’indépendance en 1980, lors du massacre de plus de 20 000 civils, en majorité blancs et surtout noirs travaillant pour des blancs, commis dans le centre du pays.

Depuis le départ de cet homme qui a passé sa vie à détruire son pays et à accuser les blancs de tous les maux, les choses semblent aller un peu mieux au Zimbabwe.

C’était du moins le cas jusqu’à ces derniers jours. Le nouveau gouvernement a en effet annoncé la fin du système du taux-fixe de la quasi-monnaie basée sur le dollar, qui a pris le relais suite à la chute du Z$ en 2009. Concrètement, cela signifie que le Zimbabwe relance une nouvelle monnaie. Or, le nouveau gouvernement n’a pas constitué de réserves pour en garantir la crédibilité et la valeur, c’est à dire que l’on retombe dans la même situation qu’en 2006. Si le fait de laisser fluctuer à nouveau la valeur entre le dollar US et ce qui sert actuellement de monnaie nationale semble être une bonne chose pour de nombreux économistes, c’est qu’ils oublient que le pays souffre d’une grave pénurie de cash et que la majorité des échanges monétaires se fait sur le marché noir, hors d’atteinte du gouvernement. En réalité, cette annonce ne fait que diminuer la crédibilité de la quasi-monnaie locale, ce qui annonce un retour à la dollarisation, aux pénuries de cash, et une inflation majeure à venir.

Quelle solution pour une économie en crise?

La seule solution qui me paraît viable pour le Zimbabwe est d’abandonner toute prétention à avoir une monnaie « comme les autres », avec des taux de change fluctuants et adossée ou non au dollar pour bénéficier d’une stabilité comme le CFA indexé sur l’Euro.

En l’état actuel, sans réforme macro-économique majeure, la seule solution pour le Zimbabwe est d’adosser une nouvelle monnaie sur des valeurs stables et sûres: ses ressources minières. En créant un indice composite, c’est à dire en créant un panier de ressources dont la valeur équivaudrait à 1 dollar, représentant une fraction de la valeur d’une unité d’échange de tel ou tel métal (l’once pour les métaux précieux, le kilo pour les autres, la tonne pour le charbon…), le pays s’autoriserait une valeur monétaire fluctuante en fonction des marchés des ressources, appuyées sur des valeurs concrètes à même de redonner confiance en cette monnaie, et pourrait repartir sur des bases nettement plus saines, tout en se constituant une réserve pour crédibiliser son économie.

Sans parler d’un retour au standard-or, qui est dépassé et inadapté à une économie moderne, le Zimbabwe pourrait, s’il était mené par des dirigeants réellement concernés par le renouveau de l’économie de leur pays plutôt que par leurs richesses personnelles, retrouver une réelle dynamique de croissance et la prospérité dont il est théoriquement capable.

En l’absence de réformes libérant enfin l’économie, réduisant la part du secteur public dans l’emploi, cessant la discrimination contre ses populations blanches, autorisant les entreprises étrangères à réinvestir normalement dans le pays et dotant le pays d’une monnaie crédible, le Zimbabwe est condamné à un cycle infernal de chaos économique. Jusqu’ici, il n’y a pas eu de violences majeures liées à la situation catastrophique de l’économie. Mais pour combien de temps?


L’anti-science du réchauffement climatique

Un article a attiré mon attention:
https://www.rt.com/news/450291-colonization-climate-change-cooling/
La Science débile en action: « le génocide est une arme contre le réchauffement climatique ».
C’est le genre d’étude où TOUT est débile. La manipulation des données est totale. Exemple? L’estimation des populations américaines entre 1492 et 1600, période au cours de laquelle ladite population aurait chuté de 95% à cause des européens, en raison des épidémies, des guerres et des famines.
Il faut savoir qu’aucune épidémie, pas même Ebola, n’a un taux de mortalité aussi élevé. Même en y ajoutant les conflits armés, qui n’ont pas fait plus de 100 000 morts sur l’ensemble du siècle, et même en présumant qu’il y a eu des famines, il n’est statistiquement pas possible d’éliminer 95% d’une population (avec les moyens de l’époque). Un effondrement de cette nature et aussi rapide aurait mené à l’extinction inéluctable et irrémédiable des populations amérindiennes (on parle ici aussi bien des populations d’Amérique du Nord que de celles du Sud), parce qu’il suppose une mortalité infantile dantesque (les enfants étant les plus faibles, ils sont les premiers à périr des épidémies et des famines).
Pire: la colonisation (à buts commerciaux, même pas de peuplement) de l’Amérique du nord n’a commencé qu’à partir de 1565, avec la première colonie implantée en Floride par les espagnols, ce qui signifie que la population des amérindiens du nord se serait effondrée en 35 ans! Tous les démographes vous le diront: un effondrement aussi rapide signifie l’extinction irrémédiable d’une population à court terme. Surtout que dans les faits, rien ne distingue le 16e siècle du 17e: les causes de ce prétendu effondrement n’ayant pas disparu après 1600, il est impossible que ces populations aient pu survivre au 17e siècle. Pourtant, ils sont toujours là, comme le prouve les tests ADN qui montrent non pas une disparition, mais un métissage: si les peuples ont pu disparaître, les populations, elles, sont restées.
Autre problème avec cette théorie totalement fumeuse, les périodes ne coïncident pas. Le « petit âge glaciaire » est une période relativement froide qui a débuté au début du 14e siècle, et s’est terminé au tout début du 19e siècle. C’est à dire qu’il a commencé AVANT la colonisation des Amériques par les européens. Il s’est également terminé AVANT le début de l’industrialisation du 19e siècle (les premières usines employant des machines à vapeur et donc utilisant du charbon n’ouvrent leurs portes qu’à partir des années 1840).
Le Petit âge glaciaire est expliqué par deux phénomènes parfaitement naturels et qui faisaient l’unanimité chez les climatologues jusqu’ici: les cycles de Milankovitch (liés à l’orbite terrestre et au fait que notre planète soit inclinée sur son axe de rotation) combinés à une activité solaire « anormalement » (comprendre « pas encore comprise ») réduite, comme en attestent les recensements de tâches solaires effectués depuis Galilée.
Balancer, donc, que ce refroidissement des températures globales est dû à la quasi-extermination d’un ensemble de population (évidemment commis par les méchants européens, bouuuh les blancs bouuuh), ce n’est rien d’autre que de l’idéologie pure et dure, à l’image de la science nazie et de la science soviétique, qui trafiquaient tout ce qu’ils pouvaient pour « prouver » qu’ils avaient raison.
Je n’invoque pas les nazis et les soviétiques au hasard: suggérer que la chute drastique d’une population a pu provoquer un refroidissement globale, c’est suggérer qu’on pourrait vaincre le prétendu réchauffement climatique en exterminant une partie de la population humaine. Inscrit dans la dynamique médiatique de ces derniers mois, où on vous dit d’arrêter de faire des gosses pour sauver la planète, que l’avortement c’est « trendy » et qu’on peut même en faire un happening (parce que ça fait l’occasion de se faire valoir avec un drame personnel), mais qu’il faut faire quand même de la place aux migrants africains parce qu’ils sont trop nombreux pour chez eux et qu’il faudra payer nos retraites, dans ce mouvement là, donc, on voit toute la rhétorique mortifère qui est organisée contre l’Occident.
Je dis souvent (pas sur Facebook) que le 21e siècle sera un siècle de génocides qui feront passer ceux du 20e pour de joyeuses balades bucoliques. Plus le temps passe, plus je vois des éléments se mettre en place, et plus je sais que c’est exactement ce qui arrivera, si on les laisse continuer dans cette voie.
Eteignez vos télés. Fermez vos journaux. Faites des gosses. Donnez leur des valeurs. Protégez leur héritage. Luttez.
Et si vous avez la patience, l’article est ici:
https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0277379118307261

Du « gay-nocide » tchétchène…

Et nous y revoilà déjà. Ou encore. Les vilains tchétchènes s’en prendraient à nouveau aux gentils homos. La dernière fois c’était il y a bientôt deux ans. Mes prises de position à l’époque étaient les mêmes qu’aujourd’hui, donc si vous avez raté l’épisode, vous pourrez vous rattraper ici. Mes écrits m’avaient même valu une shitstorm familiale, mais je ne regrette rien. Long story, short story, un de mes cousins est homo et son compagnon est un avocat qui a trouvé le bon filon pour faire parler de lui en attaquant tous azimuts des personnalités accusées d’être « homophobes ». Évidemment, cette histoire était du pain béni, et il a cherché à attirer la lumière sur lui en s’attaquant rien moins qu’à Kadyrov, d’une manière qui m’avait fait bondir. Le Droit International étant ma première spécialité, voir que l’on cherchait à faire passer ces faits pour un génocide m’avait on ne peut plus révolté (plus encore que pour l’affaire des « Rohingas » du Myanmar…). Je reviendrais là dessus un peu plus loin dans cet article, parce qu’on en revoit les prémices poindre le bout du nez.

Comme je le disais à l’époque, ces « histoires » ne sont que des histoires jusqu’à preuve du contraire. Les témoignages anonymes sans aucune circonstance de lieu ou de temps ne sont rien de plus que des rumeurs. De fait, il y a 18 mois, nos médias allaient jusqu’à parler de « camps de concentration pour gays », voire pour certains imbéciles, de « génocide contre les gays ». C’était et c’est toujours d’une débilité absolue, du même niveau que ces histoires d’exécutions atroces avec force détail en provenance de Corée du Nord (exécution aux chiens affamés, exécution au canon anti-aérien…).

Mettons-nous d’accord tout de suite: la Tchétchénie n’est PAS un paradis sur Terre. Loin de là. C’est une république islamique despotique et népotique dirigé d’une main de fer par le clan Kadyrov, Ramzan en tête. Le clan Kadyrov est musulman, pratiquant de l’école soufie, qui est largement promue et mise en œuvre dans la petite république du Caucase (parce que, oui, aussi choquant que ça puisse être, c’est bien une république). Ce n’est pas un hasard si Kadyrov a le soutien du Kremlin: la Tchétchénie (et le Daghestan voisin) est depuis les années 1980 une « terre d’islamisation », que les saoudiens essaient de conquérir avec leur école islamique, le salafisme wahhabite. La deuxième guerre de Tchétchénie, au début des années 2000, était une guerre contre le séparatisme tchétchène, fondé largement sur l’islamisation. Ramzan Kadyrov et son clan en sont sortis grands vainqueurs, et ce, même après l’attentat qui a tué son père en 2004.
Ils sont toujours soutenus sans aucune faille par le Kremlin parce qu’ils liquident les wahhabites là où ils les trouvent, et maintiennent une véritable stabilité dans la région.

C’est dans ce contexte de conflit religieux que doit se comprendre la répression tchétchène. A la répression d’Etat se cumule une sorte d’entreprise mafieuse, où les hommes de main du clan Kadyrov (sans forcément dépendre de lui, mais lui ayant prêté allégeance et appelés de ce fait « Kadyrovtsi ») font régner une répression-extorsion systématisée. Les Kadyrovtsi sont une sorte de milice privée, investie de pouvoirs de police et de renseignement. Nés en 1994 en tant que force insurrectionnelle militant pour l’indépendance de la Tchétchénie, ils sont devenus la garde rapprochés du clan Kadyrov. Si Ramzan les a officiellement dissouts en 2006, soit en les intégrant dans l’appareil d’Etat (armée, police…), soit en les congédiant, leur réseau est tel qu’ils continuent d’exister de façon semi-officielle en tant qu’organisation paramilitaire.
La politique de répression en Tchétchénie est simple: si un individu « prend le maquis » (c’est à dire rejoint les rangs des wahhabites), les kadyrovtsi vont s’en prendre à ses parents, ses frères et sœurs, ou ses cousins. Ce seront d’abord des menaces pour inciter les membres de la famille à faire revenir le candidat au « maquis ». Leur réputation est suffisante pour que ce soit un succès, mais quand ce n’est pas le cas, les kadyrovtsi recourent à l’enlèvement/prise d’otage, et les maisons de membres de la famille sont incendiées. L’idée est de faire en sorte que les familles elles-mêmes empêchent des prises de position « anti-tchétchènes » sous peine de subir la sanction à la place du mis en cause.

Ce système est efficace, mais aboutit à des arrestations-détentions qu’on qualifierait, dans un Etat de droit, d’arbitraires et d’illégales: il n’y a aucune mise en accusation, aucun procès, ni évidemment aucun contrôle. C’est là qu’arrivent ces histoires de « gays » arrêtés. Des gens (qui ne sont pas homosexuels) sont « arrêtés » et « interrogés », et relâchés sur « caution », c’est à dire qu’ils sont enlevés, battus voire torturés, et éventuellement relâchés après demande de rançon (bien souvent non payée), ou assassinés. Ces enlèvements et assassinats étaient quotidiens pendant les premières années du règne de Ramzan Kadyrov, ils sont cependant moins fréquents aujourd’hui. Comme je l’ai déjà dit, ils ne visent certainement pas spécifiquement les homos mais concernent l’ensemble de la population, et ceux qui sont accusés de l’être ne le sont la plupart du temps même pas, et sont de fervents musulmans. Il s’agit là d’une stratégie d’intimidation particulièrement féroce dans un territoire traditionaliste où l’homosexualité est considérée comme une déviance ostracisante et honteuse pour les familles, qui liquident la plupart du temps elles-mêmes leurs membres dont l’homosexualité est découverte, ou plus rarement envoient leur proche en Russie ou à l’étranger. Et il faut ici le préciser de façon claire: ce n’est pas seulement la Tchétchénie, mais tout l’espace musulman qui est concerné.

L’homosexualité est un tabou généralisé dans l’espace musulman. Elle l’est encore plus dans les territoires traditionalistes comme l’Iran, l’Arabie Saoudite, le Pakistan, ou, donc, la Tchétchénie. Il faut être un crétin d’une ignorance absolue pour croire qu’un homosexuel se revendiquerait comme tel en public en Tchétchénie, ou qu’il existe des lieux où les homos pourraient se retrouver « en secret », dans l’arrière-salle d’un café. Imaginer dans ces conditions qu’il y aurait de vastes rafles d’homosexuels qui seraient ensuite parqués dans des « camps de concentration » relève du délire.

Outre les opposants au régime, les kadyrovtsi visent en priorité les personnes qui ne sont pas suffisamment « tchétchènes », c’est à dire qui tiennent des propos anti-Kadyrov ou anti-russes (et donc souvent pro-Occidentaux), qui font la promotion de l’Islam wahhabite, ou ne vont pas à la mosquée. Ils ciblent également les jeunes qui boivent de l’alcool (dont la vente est très règlementée et limitée entre 8h et 10h du matin), se droguent, ou ont un comportement non conforme (tenue, attitude…). Certaines de ces personnes s’avèrent être homosexuelles, presque toujours des jeunes qui ont gardé leur orientation pour eux et n’ont pas eu le temps ou les moyens de partir avant d’être arrêtés, mais dire que ce sont eux qui sont ciblés serait cracher au visage des milliers de victimes qu’on oublierait.

Indéniablement, ces enlèvements constituent des crimes, en particulier lorsque les victimes sont battues, parfois torturées voire assassinées. S’agit-il de génocide pour autant? Certainement pas. Le crime de génocide est défini selon l’article 6 du Statut de Rome instituant la Cour Pénale Internationale comme constitué par des actes (meurtres, tortures physiques et/ou psychologiques, atteinte aux conditions essentielles de survie, empêchement des naissances, et transferts forcés des enfants vers un autre groupe) commis dans l’intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux. Je le précise donc ici: les homosexuels, même constitués en « communauté », ne sont pas et ne seront jamais un groupe national (une nationalité), ethnique (un peuple), racial ou religieux.

Le crime de Génocide est extrêmement particulier et le Droit International le restreint volontairement à quelques cas très particuliers et particulièrement emblématiques. Il s’agit ici de ne pas « déconsidérer » les génocides des juifs, des tziganes ou des tutsis. La plupart des crimes sont donc qualifiés de Crimes contre l’Humanité, dont la définition est beaucoup plus large (donnée par l’article 7 du Statut de Rome). Cette définition couvre le crime d’extermination (le meurtre systématisé de tout ou partie d’une population, sans considération pour sa nationalité, son ethnie, sa race ou sa religion), ce qui démontre la volonté de réserver la qualification de génocide à des cas extrêmement restreints et spécifiques.

Les disparitions forcées, les assassinats d’opposants politiques ou religieux, lorsqu’ils sont organisés par l’Etat ou l’une de ses institutions entrent dans la sphère de définition des Crimes contre l’Humanité, dont la peine est la même que pour le Génocide (article 77 du Statut de Rome). On comprend donc ici qu’il n’y a pas d’enjeu juridique particulier en ce qui concerne la qualification des crimes commis en Tchétchénie. La difficulté serait de savoir si les kadyrovtsi agissent en tant que milice privée ou organisation criminelle, ou en tant qu’organe officiel du pouvoir. Surtout, la Russie ayant signifié en 2016 son retrait de la Cour Pénale Internationale (dont elle avait signé le statut, mais jamais ratifié et donc jamais mis en œuvre ni appliqué), la question serait de savoir qui irait chercher Ramzan Kadyrov pour le traduire devant la Cour…
Une chose est sûre: vouloir à tout prix aller chercher le qualificatif de génocide est ridicule et démontre une ignorance crasse du Droit International, parce que cela ne peut pas, juridiquement, aboutir. Cela démontre aussi, et surtout, une volonté d’ordre politique.

Tout le monde aujourd’hui cherche à avoir « son » génocide. Des musulmans accusant les autorités du Myanmar aux algériens accusant la France coloniale, en passant par les homosexuels à propos de la Tchétchénie, l’enjeu politique est immense, car l’effet politique d’un génocide aboutit à une quasi-immunité, une interdiction de toute critique qui serait désormais perçue comme une persécution de plus. Il y a aujourd’hui une véritable « course au génocide », une rivalité mémorielle qui pourrit tout débat politique. Or, l’immunité politique est nécessaire pour certains groupes qui entendent faire avancer leur agenda politique, les uns pour instaurer peu à peu la Sharia, les autres pour s’assurer de pouvoir reprendre la promotion de la pédophilie comme dans les années 1970, mais cette fois en la faisant passer pour une orientation sexuelle « naturelle ».

Il est temps d’arrêter ce délire génocidaire et de retrouver un peu plus de sérénité dans les débats. Le dévoiement du vocabulaire finit par faire perdre toute nuance aux mots et aux notions qu’ils recouvrent. Lorsque les mots n’ont plus d’importance parce qu’ils sont tous devenus synonymes, on perd leur richesse et leur intérêt. Lorsque l’exceptionnel devient banal, la banalité est sans importance, et il semble que certains préfèrent se préoccuper d’inventer des génocides à l’autre bout de la planète plutôt que de s’occuper de la misère qu’ils ont sous les yeux au quotidien.

Triste monde pour de bien tristes sires aux petits égos méprisables.

9 septembre 1922: la Tragédie de Smyrne

Le 9 septembre 1922 commençait la tragédie de Smyrne.
Ville sous administration grecque depuis le démantèlement de l’Empire Ottoman, du 15 mai 1919 jusqu’au 8 septembre 1922 à 22h, elle passe à cette heure-là (décidée administrativement, ce qui permettra de lancer des opérations d’évacuation) sous la domination des « nationalistes » turcs, ceux-là même qui sont responsables du génocide arménien.

Pendant 4 jours, ils vont se livrer sur les civils à des massacres, pillages, viols, tortures, sans aucune retenue et selon les témoignages, avec une intolérable cruauté, avant d’incendier la ville pour la réduire en cendres, le 13 septembre. Les deux-tiers de Smyrne seront ainsi détruits (les quartiers turcs seront laissés intacts, tandis que les quartiers juifs ne seront que très peu touchés, contrairement aux quartiers grecs et arméniens qui seront réduits à néant), les troupes turques bloquant les sorties de la ville pour empêcher les survivants d’échapper aux flammes. La ville comptait près de 400 000 habitants, dont 165 000 turcs, et comptait 150 000 grecs, 25 000 juifs, 20 000 européens dont 3 000 français, et 25 000 arméniens auxquels s’ajoutaient des milliers de réfugiés rescapés du génocide et tous les européens ayant trouvé refuge dans la ville pendant les 3 ans de guerre greco-turque. La moitié (estimés à plus de 100 000, le New York Times du 17 septembre 1922 parlera de 200 000 morts) vont périr dans des circonstances atroces. Toutes les victimes seront non-turques.

Les troupes britanniques et surtout les troupes françaises, venues tenter d’évacuer les populations civiles, décriront des scènes d’apocalypse et seront témoin d’exactions (comme le martyr de Saint Chrysostome de Smyrne) contre lesquelles les soldats ne peuvent rien, ayant reçu l’ordre formel de ne pas intervenir pour préserver la neutralité de leur pays. Les navires de secours ne parvenaient souvent pas à entrer dans le port, tant il y avait de cadavres flottant dans l’eau: leur masse gonflée et pourrissante était telle qu’elle suffisait à les repousser par leur seul nombre.

Un certain nombre de récits ont été publiés à l’époque pour relater les faits, de façon extrêmement édulcorée mais déjà suffisamment éloquente. On peut en trouver un certain nombre ici: https://archive.org/stream/martyrdomofsmyrn00oecoiala…

Les turcs nationalistes (un qualificatif trompeur: leur nationalisme n’était pas un « panarabisme », mais un islamisme pur et dur) surnommaient la ville « Smyrne l’Impure » ou encore « Smyrne l’Infidèle », parce qu’elle était historiquement un havre de relative tolérance où populations chrétiennes, juives et musulmanes vivaient en relative cordialité, sans toutefois se mélanger. L’arrivée des turcs va changer radicalement tout ça: ils renommeront la ville Izmir, et déporteront 30 000 rescapés vers l’intérieur du pays, au cours d’une « marche de la mort » où presque tous périront, soit exécutés, soit d’épuisement (ils n’avaient ni eau ni nourriture, devant se contenter de ce qu’ils trouvaient parfois en chemin).

La marine grecque, revenant dans la ville le 24 septembre, évacuera 180 000 personnes, la plupart arrivées après le massacre pour fuir le pays. En 1923, la Grèce et la Turquie procèderont à des échanges de populations. Après le massacre, que les turcs appellent « la Glorieuse Reconquête d’Izmir », un recensement en 1927 établit la population d’Izmir à 185 000, composée à 88% de turcs (dits « musulmans » dans le recensement), le reste étant ultra-majoritairement juifs. Comme le notera plus tard l’historien Giles Milton (dans « Le Paradis Perdu – 1922, la destruction de Smyrne la Tolérante »), 3000 années de présence grecque en Anatolie venaient de trouver une fin brutale, Smyrne devenant le symbole sanglant de la destruction de tout un monde qui n’existera plus jamais.

3 septembre 1939: la France déclare la guerre au IIIe reich

http://www.ina.fr/video/CAF94005580

C’est la rentrée des classes, mais c’est aussi le triste anniversaire de l’entrée de la France dans la seconde guerre mondiale.
Le 3 septembre 1939, l’Angleterre et la France entrent de facto en guerre contre l’Allemagne nazie, à l’expiration de leur ultimatum. Le 1er septembre, les troupes de la Wehrmacht attaquaient la Pologne sans déclaration de guerre, provoquant la mobilisation générale en France et au Royaume-Uni. Le front de l’ouest, pourtant, n’est pas ouvert. Français, belges et anglais se raccrochent à l’espoir d’une résolution diplomatique par le biais d’une conférence que Mussolini souhaitait organiser sur le problème de la Pologne. Le conflit remonte en fait à la résolution de la Première Guerre Mondiale, à la fin de laquelle l’Allemagne perd énormément de territoires: ses colonies, bien sûr, mais surtout l’Alsace, à l’ouest, et les régions dites du « couloir de Dantzig », à l’est. Hitler entend les récupérer, fidèle aux idées pangermanistes de l’époque. Il lance donc les troupes allemandes à l’assaut des territoires anciennement allemands, comme il avait fait contre la République Tchèque en 1938. Les français et les anglais avaient alors abandonné la République Tchèque et donné un blanc-seing à Hitler pour annexer les Sudètes (majoritairement peuplée de germanophones), espérant calmer ses appétits expansionnistes (il avait promis qu’il n’irait pas plus loin). Sauf Qu’Hitler voulait aussi la Pologne, et le Lebensraum pour l’Allemagne, étendu vers l’est (et dépeuplé de ses populations slaves, par la force si besoin).
Le 3 septembre 1939, donc, la France et l’Angleterre se retrouvent dans la guerre. Mais n’ont pas les moyens de la mener. La France était depuis la fin de la Première Guerre le berceau du Pacifisme politique. Nombre de ses « intellectuels » prônaient un désarmement complet. Résultat, quand vient la guerre (parce qu’elle est venue, que les pacifistes le voulaient ou non), ni la France ni l’Angleterre ne l’ont préparée. L’industrie de l’armement est relancée en catastrophe pour remettre à niveau les équipements. En France, ce sera le développement du char B1Bis (presque invincible pour les chars allemands, comme ils en feront l’amère expérience) et du chasseur Dewoitine D.520, notamment.
Seulement, c’est déjà beaucoup trop tard. Les mois de flottement, aux cours desquels des affrontements extrêmement limités se produiront sur notre sol et le sol belge, ne seront pas suffisants pour compenser le manque de préparation et d’entrainement des troupes françaises et belges, qui subiront de très lourdes pertes malgré une résistance acharnée. Ce défaut déjà mortel se trouvait aggravé par un État-major incompétent, dirigé par le Général Gamelin, qui n’a jamais pris les initiatives qui auraient pourtant pu changer le cours de la guerre. En septembre 1939, la guerre contre l’Allemagne était gagnable, en prenant d’assaut un pays vidé de ses soldats (presque tous lancés à l’assaut de la Pologne) et en le privant de son cœur industriel (majoritairement situé à l’ouest de l’Allemagne). En mai 1940, l’occasion était passée, et la guerre était perdue d’avance.

La pseudo-science catastrophiste, fléau du 21e siècle

Écouter l’émission « Existe-t-il une science du pire? » de France Culture du 26 octobre dernier pour me réveiller n’était à priori pas la meilleure des choses à faire pour partir sur de bonnes bases. 

Le concept de « science du pire » s’applique à décrire ces situations catastrophiques « découvertes » (voire provoquées) par la Science, comme le célébrissime concept de « changement climatique ».

Le sujet de l’émission est à priori séduisant, puisqu’il s’agit de présenter une discipline naissante, la « collapsologie » (ou « science de l’effondrement », du terme anglais « collapse »), et d’en expliquer les principes. Le concept même de fin du monde est à la mode depuis environ 2500 ans et la naissance des messianismes religieux (là, je vous renvoie à mon Saoshyant), mais il s’est particulièrement développé ces cinquante dernières années: craintes d’une guerre nucléaire, apocalypse zombie, virus mortel global, robots tueurs, effondrement des sociétés civilisées, invasion extra-terrestre, astéroïde tueur… La littérature et le cinéma ne manquent pas d’exemples et nous en abreuve en permanence. Il semble donc assez étonnant finalement qu’une discipline scientifique ne se soit pas attachée à étudier ce domaine avant.

Quoique.

Rappelons que la Science repose sur deux choses: l’observation, et l’expérimentation. Si on peut observer l’effondrement de sociétés passées ou existantes, et éventuellement formuler des hypothèses pour les expliquer, il manquera toujours le second aspect fondamental de la Science moderne. L’expérimentation, pour des raisons assez évidentes, ne peut pas être réalisée sur une société pour voir comment elle s’effondre. L’expérimentation supposant la réplication, c’est à dire la répétition d’un résultat dans les mêmes conditions, autant dire qu’il est impossible de considérer la « collapsologie » comme une science, à moins d’accepter que l’on puisse mener des expériences sur des groupes d’individus pour observer comment ils survivent et meurent dans des conditions déterminées par avance. Au cours de l’ère moderne, il n’y a que trois « civilisations » qui ont permis un tel niveau d’inhumanité: l’Allemagne national-socialiste, la Russie soviétique, et le Japon impérial (du moins, sa sinistre Unité 731).

La collapsologie présente donc un sérieux défaut épistémologique dans le fondement même de son approche, et ne saurait en aucun cas être considérée comme une science au même titre que la Physique, la Chimie, la Médecine ou la Biologie. Ça ne signifie pas qu’elle ne peut pas être pertinente dans sa démarche ou son propos, simplement il faut garder à l’esprit que n’étant pas une Science, toute décision politique, économique ou humaine prise par rapport à cette discipline ne semble pas avoir beaucoup plus de pertinence qu’une décision prise en fonction d’un jet de fléchette ou d’un jet de dé.
Mais, encore une fois, l’idée n’est pas elle-même scandaleuse, puisqu’elle s’apparente à l’Histoire (qui essaie d’observer le passé pour en déterminer les dynamiques, mais sans pouvoir faire de prédiction), et éventuellement la Sociologie, dont elle partage les travers. La collapsologie n’est finalement que le pendant lugubre de la futurologie, qui est une discipline cherchant à prédire le futur à partir de l’étude de dynamiques technologiques, sociales, économiques et politiques actuelles.

Le premier quart d’heure sert d’introduction à cette discipline (qui n’a rien de nouveau, même si le terme semble l’être) et présente un entretien avec Pablo Servigne, co-auteur avec Raphaël Stevens d’un ouvrage de 2015 sur ce sujet, et qui a initié le mouvement. L’émission de Nicolas Martin sur France Culture relève assez vite que la collapsologie s’apparente à une pseudo-science, avec tous les dangers que cela peut comporter: Pablo Servigne précise en effet que la collapsologie se fonde sur l’observation ainsi que l’intuition. Une belle manière de dire que la discipline tient totalement compte des biais de ses membres et s’en sert pour ses prédictions. C’est là que la collapsologie se distingue de toute discipline à prétention scientifique comme peut en avoir par exemple la sociologie: là où l’approche scientifique essaie au maximum d’éliminer les biais cognitifs (à priori, préjugés, mauvaises interprétations…) pour obtenir des résultats non seulement les plus précis possibles, mais surtout les plus fidèles possibles à la réalité, la collapsologie s’en sert.

Pourquoi cela pose-t-il un problème? Tout simplement parce qu’à partir du moment où on adopte une approche biaisée, le résultat ne peut qu’être biaisé, inexact et éloigné de la réalité. C’est le principe de l’approche idéologique. Pour être plus clair, mettez-vous dans la peau de quelqu’un qui imagine que le nombre 18 est un nombre extrêmement important, sans pour autant être capable d’expliquer pourquoi. Vous en avez l’intuition. Le fait que vous attachiez une importance à ce nombre plutôt qu’à un autre va faire qu’à chaque fois que vous allez y être confronté, vous allez le remarquer de façon beaucoup plus claire que tout autre nombre, quand bien même vous le verriez beaucoup moins qu’un autre (au hasard, le nombre 23). C’est ce qu’on appelle un biais de perception sélective, ou « cherry picking » en anglais, qui consiste à ne prendre que les éléments qui nous confortent nos préjugés (de façon consciente ou non) et nous permettent d’obtenir des résultats conformes à nos attentes. C’est par exemple la démarche adoptée par Françoise Lhéritier et Priscille Touraille en sociologie pour expliquer des différences physiologiques entre hommes et femmes (même si en ce qui concerne ces deux-là, on est carrément dans la falsification scientifique…).

Je ne me prononcerais pas plus avant sur cette émission (ce que j’ai écrit jusqu’ici est de toute façon suffisamment éloquent), n’ayant pas pu aller plus loin que la vingtième minute, faute de patience face aux élucubrations qu’on y entend. Inviter Vincent Mignerot, un essayiste qui se présente comme « chercheur en sciences sociales » sans en avoir ni l’activité ni le diplôme, aurait pu éventuellement être intéressant si celui-ci n’était pas animé par des motivations politiques: il est président de l’association Adrastia, qui cherche à engranger de l’argent sur le thème de la fin du monde. L’entendre préciser en réponse à la mention du Réchauffement Climatique que le GIEC (Groupe International d’Études sur le Climat) se base sur des méta-études aurait pu être pertinent (une méta-étude est une analyse portant sur des ensembles de travaux portant sur un même sujet, pour en faire surgir une analyse statistique sensée faire émerger des tendance générales, tout en s’affranchissant en théorie des biais cognitifs propres individuellement à chacune des études). Le GIEC ayant une influence majeure sur la politique nationale et mondiale, rappeler une partie de ses méthodes pour en faire la critique est un argument fort pour préciser que les travaux du GIEC ne sont pas exempts de défauts et que les suivre aveuglément n’est pas forcément une bonne idée, d’autant plus que ses prévisions sont catastrophistes et aboutissent à réclamer toujours plus de financements. Malheureusement, Vincent Mignerot n’a vraisemblablement aucune honte à prêcher pour sa paroisse en affirmant de façon vindicative que le GIEC est très en dessous de la réalité parce qu’il ne prend pas en compte les derniers travaux scientifiques. Entendre un pseudo-chercheur en sciences sociales s’en prendre à des études scientifiques certes critiquables sur certains points mais autrement plus solides que la camelote qu’il essaie de nous vendre, c’était beaucoup trop pour que je puisse encore perdre mon temps à l’écouter.

Alors pourquoi rédiger un article à ce propos, finalement? Hé bien parce que j’avais envie de parler de ces gens qui, comme Vincent Mignerot, produisent des pseudo-savoirs et cherchent à profiter du système français pour récolter des financements publics, sans jamais avoir à justifier de la pertinence et de la validité de leurs travaux. Autrement dit, ces gens sont des parasites qui vivent confortablement avec l’argent du contribuable, et bénéficient d’une rente à vie qui les exempte de travailler réellement. Ces rentiers sont extrêmement nombreux en France, et expliquent en partie le gaspillage d’argent public et le déficit de l’État, même si ils ne sont pas le seul problème qui gangrène la société française, loin s’en faut.

L’organisation de l’État français fait de celui-ci le point central de l’économie du pays. En impliquant l’État dans tous les processus de décision, comme par exemple l’organisation de la solidarité nationale redistribuant les richesses à destination des plus pauvres par le biais de l’impôt, la France a adopté un système économique dit « socialiste ». Le socialisme n’est pas synonyme d’humanisme comme on tend à le croire, mais de centralisation étatique: l’État, et plus exactement le Gouvernement, se voit investi du pouvoir de réguler et d’organiser tous les aspects de la vie nationale. C’est parce que cette centralisation du pouvoir et du processus de décision prétend se fonder sur la solidarité que l’on en a cette vision déformée aujourd’hui, du moins en France.

Cette centralisation a pour effet d’inciter les groupes sociaux-économiques à rechercher les faveurs de ceux qui sont au pouvoir, pour obtenir des avantages politiques, législatifs ou financiers, sans avoir à se soumettre au processus naturel de sélection par la concurrence. En d’autres termes, la centralisation incite à la corruption et à la collusion, pour permettre à des groupes qui ne justifient pas de la pertinence de leur existence par un apport concret à la société de simplement continuer à exister. Généralement, cette survie est assurée par la captation d’une partie de l’argent du contribuable par le biais de subventions étatiques, en échange de faveurs quelconques assurant le maintien au pouvoir d’une partie de la classe politique (mais pas forcément à des postes renouvelés par le biais d’élections périodiques).

L’exemple le plus parfait pour illustrer ce mécanisme est le GIEC, dont j’ai parlé un peu plus tôt. Cet organisme international  est composé de représentants d’États nommés à leur poste par des gouvernements (il s’agit donc de postes politiques, et non de postes scientifiques), afin de produire des rapports à destination des autorités pour « guider l’action publique ». Nous avons donc des États qui depuis les années 1970 subissent une dépendance énergétique aux énergies carbonées, au premier rang desquelles le pétrole, qui s’est doublée au fil des ans d’une dépendance politique et financière au profit des États producteurs de pétrole, qui cherchent à justifier leurs politiques publiques d’investissements et de « transition énergétique » vers des énergies décarbonées, et s’appuient sur les travaux d’un organisme dont les membres sont tous nommés par leurs propres gouvernements pour justifier les politiques et stratégies nécessaires pour réduire la dépendance énergétique et financière envers les puissances pétrolières. Autant dire que le GIEC n’a aucun intérêt à produire un rapport réduisant l’impact des émissions de CO2 sur le climat, et a tout intérêt au contraire à produire des rapports catastrophistes… et à obtenir en échange de généreux financements assurant sa pérennité.

Ce principe s’applique à peu près à toutes les organisations associatives en France, depuis la petite association sportive communale qui a intérêt à bénéficier du prêt d’un bâtiment de la municipalité, jusqu’à des organisations internationales, gouvernementales ou non, y compris celles qui se défendent de toucher des subventions publiques (Greenpeace, par exemple, prétend ne pas être financée par un État, mais reçoit en réalité l’autorisation politique de mener ses actions avec la bienveillance policière et judiciaire, même quand il s’agit de bloquer des trains de combustible nucléaire ou d’envahir des centrales en ayant l’assurance de ne pas se faire tirer dessus…). Les entreprises y sont également très fortement incitées, comme on le voit depuis des années avec le MEDEF qui est systématiquement à l’œuvre en coulisse lors des réformes gouvernementales portant sur les entreprises, même si cela ne va pas du tout dans l’intérêt des PME qui représentent l’immense majorité des entreprises françaises.

Ce que les journalistes et politiques nomment « ultralibéralisme » n’est en réalité que le produit même de l’organisation socialiste de la société française. Il n’y a aucune libéralisation quand c’est l’État qui in fine prend toutes les décisions, même si celles-ci semblent donner du pouvoir à certains de ses affidés: ils font tous partie de la même entreprise de captation des richesses du peuple français par le biais de l’impôt. La seule différence avec les mafias est que ceux qui bénéficient de ce système se réfugient derrière l’apparente légitimité de leurs actes fournie par la Loi. Il n’y a plus aucun moyen normal de lutter contre ces gens, qui se fournissent les uns aux autres les justifications de leur activité et de leur rémunération: c’est un cercle vicieux qu’il devient de plus en plus impossible de briser.

La collapsologie n’est qu’un avatar de plus de ce problème majeur qui ronge la société française de l’intérieur. Il n’est guère étonnant qu’à aucun moment cette pseudo-discipline ne s’intéresse aux conséquences mêmes de son existence (le fait de faire une prédiction suffit souvent à la déjouer), ni encore moins aux véritables raisons qui poussent des sociétés civiles à l’effondrement et au basculement vers une autre organisation. Il ne faut rien attendre d’une discipline qui fait partie du problème, et qui passe son temps à crier au loup pour des raisons qui ne sont pas justifiées. Le jour où il se passera vraiment quelque chose, personne parmi ces oiseaux de mauvais augure ne le verra venir. C’est ce qui s’est passé avec la crise financière de 2008.

La leçon n’a visiblement pas porté ses fruits…

Il bouge encore!

Les deux mois qui viennent de s’écouler ont été l’occasion de grands chambardements dans nos vies, qui nous ont tenus éloignés malgré nous de Sombre Plume et de nos projets de publication.
Elora a une vie professionnelle et personnelle qui lui laisse très peu de temps à consacrer à sombre Plume, aussi dois-je prendre sur mes épaules la majorité de l’activité du site.
Seulement voilà, depuis septembre, je n’ai tout simplement pas arrêté: je me suis expatrié en Italie, pour les trois ans à venir, puisque je suis désormais officiellement doctorant. Il m’a fallu préparer les entretiens, la paperasse administrative française, la paperasse administrative italienne, la paperasse administrative universitaire, bref, beaucoup de tracas qui m’ont tenu éloigné beaucoup plus que je ne l’aurais voulu.

Mais ça y est, je suis en Italie, et je peux enfin commencer à souffler un petit peu pour animer Sombre Plume. Je partagerais probablement avec vous quelques notes de lecture que j’écris sur Babelio, ainsi que quelques petites choses à voir à Turin, la ville où je vis désormais, histoire de ne pas laisser Sombre Plume dans les limbes comme ces trois derniers mois.

Vous l’avez peut être vu, nous avons publié Saoshyant en août dernier, sans grande fanfare. C’est un projet qui m’est très personnel et assez particulier, qui marque mon premier pas dans un projet au long cours né dans la foulée de mon Liber Satanis. Il s’agissait à l’origine de décrire comment la religion Chrétienne et son Eglise étaient nées, à travers un cycle baptisé Ecclesia. Il y a trois tomes à ce jour, tous rédigés en 2009-2010, et intitulés Saoshyant, Rome et Peste.

Saoshyant, donc, retrace les origines de la religion chrétienne, depuis les origines du messianisme mazdéen (dont le « Sauveur » était appelé « Saoshyant ») que le peuple hébreu a largement croisé lors de son exil à Babylone, vers l’an -500 avant notre ère, jusqu’à la fondation formelle de l’Eglise catholique romaine, vers l’an 60.

A mi-chemin entre œuvre littéraire (reprenant la forme du Liber Satanis) et interprétation historique romancée, Ecclesia l’une de mes œuvres les plus intimes et personnelles.

Lorsque j’ai commencé à travailler sur Liber Satanis, mes recherches m’ont amené à découvrir des textes religieux que je ne connaissais absolument pas, comme l’Evangile de Judas, les évangiles Gnostiques, les apocryphes chrétiens ou encore les écrits dits « inter-testamentaires », c’est à dire décrivant des faits s’intercalant entre l’Ancien Testament et le Nouveau Testament. Je n’ai jamais été très religieux, mais je dois avouer que découvrir et pénétrer l’envers du décor m’a totalement fait perdre la Foi. De cette désillusion est né le cycle Ecclesia, et donc Saoshyant, qui fournit ma vision de l’acte de naissance du christianisme en tant que religion.

Il est très intéressant pour moi, en tant qu’auteur, de revenir à ces textes que j’ai écrit il y a déjà 7-8 ans, à une période de ma vie qui était très particulière. Ma vision a en effet beaucoup évolué depuis: si je ne me revendique certainement pas croyant en une quelconque religion, je ne suis pas non plus athée, me considérant plutôt comme agnostique, c’est à dire à l’esprit « ouvert » aux mystères et au métaphysique/surnaturel.

Nietzsche, que j’ai lu à cette période, parlait de briser les Idoles. C’est exactement ce qu’a été Ecclesia pour moi: la destruction de mes idoles, de mes illusions religieuses. J’ai, depuis, découvert Carl Jung, et assume totalement ma pratique de la « magie » chaote (peu assidue, je dois le reconnaître).

Liber Satanis donnait la parole aux réprouvés des textes sacrés des monothéismes orientaux. Saoshyant est le point de départ d’un voyage matérialiste vers la spiritualité. J’espère que vous l’apprécierez.

Je devrais en principe faire paraître le second volet d’Ecclesia, intitulé Rome, d’ici la fin de l’année, vraisemblablement pour Noël. A très bientôt, donc.