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Le Maroc, entre Islam fondamentaliste et sorcellerie

De trop nombreux « islamologues » racontent tout et n’importe quoi sur la nature de l’Islam, et parlent les uns de religion, les autres d’idéologie. Et c’est ainsi que le mélange des genres débouche sur des articles où l’on mêle tout et son contraire, proclamant que l’Islam est une religion de paix, les autres que l’Islam est plural et qu’à ses débuts, il était permis de critiquer ses préceptes fondamentaux et même que l’Islam acceptait l’homosexualité. Ces articles sont rédigés par des gens qui ne connaissent visiblement ni l’histoire et les principes de l’Islam, ni l’histoire des peuples au sein desquels il s’est répandu.

Rapidement et succinctement, l’Islam peut être défini comme un projet de société politico-juridique fondé sur une révélation d’essence religieuse, servant à le transcender au-delà des affaires humaines, et donc à le protéger contre toute remise en cause. C’est, en quelque sorte, un contrat social sacralisé: d’une part, le musulman passe un « contrat » social avec la Umma (« communauté islamique »), qu’il rejoint comme un citoyen rejoindrait un pays et en adopterait la nationalité. D’autre part, le musulman passe un pacte avec Allah, envers lequel il se soumet pleinement et s’engage, en tant que croyant, à répandre la Parole incarnée dans le Coran.

L’Islam s’est répandu très rapidement dans sa première phase d’expansion, au cours du VIIe siècle, à la fois par la soumission par les armes (conquête) et par la soumission volontaire (conversion). Cette expansion s’est réalisée sur des espaces où l’autorité des Etats était en déliquescence, et s’est faite d’autant plus facilement que les dirigeants islamiques n’étaient pas fanatiques et laissaient une marge d’interprétation aux peuples qu’ils avaient convertis. C’est ainsi que localement, l’Islam absorbé un certain nombre de traditions « acceptables » dans le cadre islamique, et ce phénomène est de plus en plus marqué à mesure que l’on s’éloigne du cœur religieux constitué par La Mecque, Médine et Bagdad.

L’exemple que je cite le plus souvent est ce qu’on appelle « danse orientale », autrefois « danse du ventre ». Ce qu’on prend aujourd’hui pour un trait culturel issu de la tradition islamique n’a en fait rien à voir avec l’Islam, puisqu’il s’agit d’une survivance d’une pratique typiquement babylonienne, inspirée du mythe d’Ishtar aux Enfers. La Déesse Ishtar, après que son époux ait trouvé la mort, descend aux Enfers pour aller le délivrer. Sept portes se trouvent sur son chemin, et chaque fois, elle doit se défaire d’un de ses voiles pour passer sans encombre. Lorsqu’elle parvient devant Nergal et sa consort Ereshkigal, Ishtar est nue, et doublement impuissante: hors de son royaume, son pouvoir est tari, ce qui est symbolisé par sa nudité. Cet épisode est célèbre et attesté dès l’antiquité, où son origine est déjà plus ou moins oubliée. On le trouve évoqué dans le Nouveau Testament, à travers l’épisode de la danse de Salomé (Marc, 6:22). Au fil des siècles, cette danse rituelle a évolué, s’est transformée, voire ancrée localement par des variantes ou des pratiques spécifiques, et a ainsi survécu à l’oubli dans un espace géographique et idéologico-religieux pourtant hostile aux traditions pré-islamiques.

Les exemples de survivance de traditions « païennes » pourraient faire l’objet d’un livre entier, aussi ne les multiplierais-je pas outre mesure, d’autant que ce n’est pas l’objet de cet article. Il est néanmoins important de comprendre que sous le vernis prétendument islamique, se cachent des traditions qui n’ont rien à voir avec l’Islam et que celui-ci ne saurait être considéré comme un ensemble cohérent et uniforme. La suite de cet article ne saurait donc être interprétée comme une attaque contre l’Islam, et en particulier contre l’Islam malékite qui est dominant au Maroc.

Maghreb et sorcellerie

Si vous connaissez des maghrébins, peut être aurez-vous remarqué à quel point ils ont tendance à être superstitieux. Si pour nous, occidentaux, les questions de possession démoniaque, de sortilèges et de magie noire appartiennent à un passé obscurantiste et font l’objet de films de divertissement, ces questions sont tout à fait prises au sérieux au Maghreb (en fait, il n’y a guère que dans l’Occident moderne où ces questions sont prises à la rigolade et moquées de façon totalement crétine).

Ce qu’on qualifie avec un peu de mépris de « folklore » n’a pourtant rien d’une blague et constitue un élément du quotidien. Si l’existence de Jinns (ou esprits du feu) est ancrée dans le Coran, le Maghreb pré-islamique connaissait lui aussi l’existence de démons et autres esprits malfaisants. Les Jinns coraniques et les « mauvais esprits » du Maghreb antique se sont mêlés par correspondance (« syncrétisme ») pour donner la tradition maghrébine « ésotérique » que l’on peut parfois apercevoir.

La Main de Fatma, ou Khamsa en Tunisie, et Tafust en langues berbères.

L’exemple parfait de cette tradition ésotérique est le symbole que l’on connait sous le nom de « Main de Fatma », surtout connu en Occident sous la forme de pendentifs. Loin d’être de simples bijoux, il s’agit d’amulettes ayant la propriété de protéger leur porteur contre le « mauvais sort », c’est à dire les envoûtements, la sorcellerie et la malchance.

L’origine de ce symbole est à chercher du côté de l’antique Phénicie. Les phéniciens sont en effet les fondateurs de l’antique ville de Carthage (fondée par la princesse Elyssa, ou Didon, qu’Enée abandonnera pour se rendre en Italie, selon l’Enéide de Virgile), devenue Tunis après sa chute sous les coups des romains en 146 avant notre ère. La Phénicie se trouvait sur la côte orientale de la méditerranée, entre l’actuelle Syrie et l’actuel Israel. La Khamsa est liée à la déesse Tanit, que l’on peut plus ou moins identifier avec… Ishtar, la déesse babylonienne. Oui, le monde est assez petit quand on commence à gratter un peu la surface de l’ésotérisme, on retombe toujours sur la Mésopotamie, d’une manière ou d’une autre.

Femme berbère tatouée de façon traditionnelle. Les tatouages sont ici définitifs, mais la démarche est très similaire à celle du harqûs et a une fonction ésotérico-mystique, en plus d’une fonction sociale typique de la culture amazigh. Le tatouage sur le menton indique que cette femme est veuve, par exemple.

C’est le même principe avec le tatouage au henné, appelé harqûs au Maghreb (je simplifie énormément pour cet article déjà long, mais le sujet est bien mieux développé dans cet article). De nos jours simplement vu comme un art décoratif par les touristes occidentaux ignorants (et il faut aussi le dire, le tatouage au henné est souvent devenu une attraction commerciale juteuse), le harqûs est en réalité une pratique ésotérico-magique visant à protéger celui ou celle qui en porte les motifs contre les mauvais esprits et le mauvais sort. Loin d’être anecdotique, il s’agit d’une tradition millénaire, que l’on retrouve du Maroc au Bangladesh, et qui a une fonction de protection voire d’exorcisme. L’exorcisme dont il est question ici n’est pas ce rituel catholique visant à extirper un démon d’un possédé en lui appliquant une croix sur le front, mais une pratique à mi-chemin entre la médecine et le désenvoûtement. Là encore il faut faire appel à la Mésopotamie pour comprendre: la maladie, les douleurs et autres afflictions étaient interprétées comme étant le fait d’un esprit mauvais ayant pénétré le corps. L’utilisation de plantes, de fumigations, de cataplasmes et décoctions, aux côtés de formules rituelles, permettait de chasser le démon, et de faire guérir le corps et l’esprit. D’une certaine façon, il s’agissait de rites que l’on appellerait aujourd’hui « shamaniques ». Ainsi, le marquage au henné s’interprète comme étant l’apposition d’une marque symbolique valant « amulette » pour chasser le mal et s’en protéger.

Le Maroc, épicentre religieux et de magie noire

C’est ce contexte largement méconnu en Europe que survient le Maroc, comme énoncé dans le titre de cet article. Pays à la fois ancré dans une forme d’islamisme avec l’application partielle de la Sharia et des mosquées grandioses, mais aussi perpétuant des valeurs traditionnelles en principe réprouvées par l’Islam, le Maroc est un pays que les occidentaux croient connaître à travers ses aspects touristiques alors qu’ils ne voient que très rarement l’envers du décor, beaucoup moins apte à se trouver sur des cartes postales.

L’illétrisme et la misère y sont chose commune, malgré l’action gouvernementale pour tenter d’améliorer la situation des plus pauvres, du moins officiellement. Car les régions pauvres sont également celles qui produisent le cannabis qui est trafiqué en Europe par centaines de tonnes chaque année, générant entre 25 et 50% du PIB du pays, entre la valeur brute de la drogue exportée vers l’Espagne, la France, l’Italie, l’Allemagne et le Royaume Uni, et l’argent qui est issu de ce commerce et qui est réinjecté dans le pays dans les infrastructures (touristiques notamment, mais pas seulement), par le biais de ces agents de change clandestins appelés « sarafs ». Le pays est ainsi un territoire d’extrêmes, où les inégalités sociales sont absolument ahurissantes. Ce sont ces inégalités sociales extrêmes qui permettent aujourd’hui à certains de mettre en place de tentaculaires réseaux de trafics d’êtres humains… et pire encore.

Settat, au sud de Casablanca

Il y a quelques jours en effet, une affaire d’enlèvement et séquestration a une nouvelle fois agité l’actualité. D’après le site bladi.net, une adolescente a ainsi été retrouvée dans le cimetière de la ville de Settat, dans un état grave. Elle aurait subi des sévices incluant des tatouages et des saignées, de la part d’au moins trois hommes. Son sang devrait servir dans le cadre de rites de magie noire.

Aussi douteuse que cette information puisse paraître, elle rappelle pourtant une autre affaire qui avait fait beaucoup de bruit à l’époque, y compris en Europe. En 2018, la jeune Khadija Okkarou alors âgée de 17 ans, a été victime d’un enlèvement avec séquestration, de viols collectifs et de tortures. Ce sont pas moins de douze hommes qui ont été identifiés dans cette affaire, que l’on nous a présenté à l’époque comme une « banale » affaire de mœurs dans un pays où la place de la femme est encore largement dévalorisée en accord avec les principes de la Sharia (par exemple, jusqu’à récemment, un violeur pouvait échapper à la prison si il épousait sa victime, forme de mariage forcé parfaitement en accord avec la Sharia; cette pratique juridique a été abandonnée suite à des affaires de suicide particulièrement marquantes au Maroc).

L’affaire Khadija sort pourtant de l’ordinaire sordide de l’exploitation sexuelle et du trafic d’êtres humains, car ses tortionnaires ont pratiqué des rites de sorcellerie en se servant d’elle comme support pour leur magie. Khadija a été tatouée de nombreux symboles ésotérico-magiques, les sévices qu’elle a subis (brûlures de cigarettes etc) servant à augmenter la puissance magique des rites accomplis par ses ravisseurs.

Certains des tatouages imposés à la jeune femme. On aperçoit des brûlures de cigarette à la jonction du pouce et de l’index.

L’affaire a été traitée à la légère par les médias tant marocains qu’étrangers, qui se sont focalisés sur les viols plutôt que sur le fond réel de l’affaire: la sorcellerie. Les viols n’étaient en effet qu’une sorte de « bonus » pour ses ravisseurs, dont les motivations réelles étaient d’ordre ésotérique. Plus exactement, la « magie » devait les aider à devenir riches. J’y reviendrais dans la suite de cet article. L’affaire Khadija a été considérée avec un fort mépris, parce qu’elle s’était produite dans une zone rurale, largement défavorisée, et où la population n’est guère éduquée. Ainsi, ces douze hommes auraient commis ce crime par bêtise et ignorance, plutôt que par une réelle malveillance. Leur procès néanmoins traduit un malaise certain au sein de la société marocaine: alors qu’il aurait dû s’achever en juillet 2019, les juges n’ont eu de cesse de repousser leur jugement. A l’heure où j’écris ces lignes, le procès est toujours en suspens, au grand désespoir de la victime et de ses parents.

Mais pourquoi un tel malaise? S’agit-il d’une certaine honte dans un pays islamique qui revendique sa modernité, ou de quelque chose de plus profond?

Le sacrifice d’enfants au Maroc: une réalité occultée?

L’affaire Khadija, pour sordide qu’elle soit, se termine relativement bien: l’adolescente a survécu, bien que marquée dans sa chair et son âme, et ses tortionnaires identifiés et arrêtés. Ce n’est pas le cas de la majorité des enfants et adolescents qui disparaissent chaque année au Maroc. Les chiffres exacts sont impossibles à connaître: entre les naissances non-déclarées, les dizaines de milliers d’enfants pauvres mis à la rue par leurs parents et les trafics d’êtres humains, il existe une zone grise où il est facile avec un peu d’argent de se procurer de petites victimes pour les divers trafics d’êtres humains, qu’il s’agisse d’exploitation sexuelle, de migration forcée ou de vente de bébés. Si une partie de ces enfants parvient à échapper à ses bourreaux, une autre disparaît sans laisser aucune trace de son existence même…

Et parmi ceux-là, une fraction serait sacrifiée dans le cadre de pratiques ésotérico-magiques. L’affaire Khadija et l’affaire récente de cette adolescente encore sans nom montrent que des individus sont prêts à recourir à des pratiques « magiques » sur des adolescentes qu’ils ont préalablement enlevées. Ces deux affaires surviennent à un moment où les enlèvements d’enfants semblent se multiplier, en tout cas se remarquer un peu plus. Mais il est difficile de faire la part des choses entre les affaires classiques de pédophilie et de trafic d’êtres humains, et des affaires plus occultes.

Il est cependant certain qu’il y a de nombreuses rumeurs et parfois des témoignages à propos d’un phénomène intrinsèquement occulte, les enfants « zouhris » (mes excuses d’avance pour l’orthographe, on trouve des tonnes de graphies et j’ai choisi la plus simple). Selon le folklore marocain, ces enfants seraient des « hybrides » entre humains et Jinns, soit que les Jinns auraient volé un enfant pour le remplacer par le leur, soit que les parents n’auraient pas prononcé la prière avant la conception de leur enfant, etc, etc. Ces enfants porteraient des signes distinctifs, qui semblent varier selon les régions. Celui qui revient le plus souvent est lié aux lignes des mains, soit qu’elles seraient continues, soit qu’elles seraient symétriques dans les deux mains. D’autres histoires se rapportent à la couleur des yeux, à des marques dans les cheveux, ou à des grains de beauté à certains emplacements. Leur trait commun est que l’enfant zouhri permettrait, par le biais de rituels visant à récupérer leur sang, de retrouver des trésors enfouis.

On trouve des tonnes de récits sur internet, où leurs auteurs racontent comment ils ont échappé à des tentatives d’enlèvements parce que présumés zouhris, ou de maghrébins européens confrontés à ce folklore avec leurs propres enfants lorsque allant en vacances au Maroc. S’ils sont évidemment invérifiables et doivent donc être considérés avec précaution, les deux affaires bien réelles et attestées que j’ai rapporté dans cet article donnent une réelle épaisseur à ces témoignages. Et cela fait froid dans le dos, surtout quand on sait que ce genre de crime rituel a lieu de manière indéniable et certaine dans d’autres parties d’Afrique, notamment « les enfants sorciers » au Nigéria ou les albinos dans toute l’Afrique sub-saharienne

Impossible, pourtant, de trouver aujourd’hui le moindre article fiable sur internet, sur le phénomène des crimes rituels au Maroc, malgré les dizaines de témoignages relatifs au folklore entourant les enfants zouhris, voire de personnes affirmant avoir échappé à un enlèvement quand elles étaient enfants. A l’exception de l’affaire Khadija, je n’ai pu trouver qu’une seule autre affaire assimilable à des crimes rituels au Maroc, et c’est une affaire rapportée par Bladi.net, qui n’a pas forcément les mêmes standards que des journaux institutionnels.

Alors qu’en penser? D’un côté, on peut imaginer que ces histoires sont avant tout du folklore, une sorte de légende urbaine dont tout le monde se convaincrait de la réalité, et qui prospèrerait sur le souffre d’affaires d’enlèvements et d’exploitation infantile bien réelles. De l’autre, on peut imaginer qu’à l’ère d’internet où il est si facile d’exclure des résultats spécifiques des moteurs de recherche, il le serait tout autant d’effacer des registres des affaires rapportées dans les médias, pour des raisons d’ordre public. C’est en fait le cas avec de nombreux articles, comme j’ai pu le constater récemment quand Moqtada al-Sadr a refait surface dans les médias occidentaux, auréolé de respectabilité, alors qu’il était considéré comme un danger d’ordre international au même titre que Ben Laden ou Al- Zarqawi, parce qu’il dirigeait l’Armée du Mahdi, une organisation terroriste qui a semé la terreur pendant la guerre civile en Irak après l’invasion du pays par les américains en 2003. Si on peut réarranger le passé sur ce sujet, pourquoi pas sur un sujet tel que celui-ci, qui n’est pas sans rappeler les histoires de crimes rituels sensément commis par les juifs en Europe?

Quelle que soit la vérité, une chose est certaine: la magie, l’occultisme, la sorcellerie, l’ésotérisme, ou quel que soit le nom qu’on donne à ces pratiques, est une chose sérieuse et réelle au Maghreb, pouvant déboucher malheureusement sur des crimes abominables. Les récits et témoignages et la persistance au fil des ans de ces rumeurs de crimes rituels laissent entrevoir un envers du décor beaucoup plus sombre que ne le laissent présager les images idylliques de carte postale que l’on perçoit généralement du Maghreb.

Une guerre de religions en France au 21e siècle?

Ce 24 août 2016 marque l’anniversaire des Massacres de la Saint Barthélémy de 1572, au cours desquels  10 à 30 000 protestants furent assassinés à Paris et en Province, pour le seul fait de leur religion. Cet anniversaire, dans le contexte actuel d’omniprésence du terrorisme islamiste et des intégrismes religieux, prend une dimension très particulière.

Le 16e siècle en France est une période franchement compliquée, mais dont l’étude est vraiment intéressante, car elle rappelle certains événements actuels. Comme ce n’est pas vraiment la période la plus étudiée dans les établissements scolaires, laissez-moi vous faire un petit résumé…

Tout commence au 15e siècle, lorsqu’un obscur ecclésiastique allemand conteste les dérives de l’Eglise catholique qui vit dans une opulence d’autant plus scandaleuse que ses membres se préoccupent plus de politique que de Foi. On est en pleine chasse aux sorcières menée par l’Inquisition (le Malleus Maleficarum ou Der HexenHammer en allemand, ou Marteau des Sorcières a paru en 1487), qui frappe très durement les contrées germaniques, et des gens innocents sont envoyés au bûcher par des évêques qui s’approprient leurs biens au passage. Martin Luther, en placardant sur la porte de son église un manifeste contre une nouvelle opération financière de la papauté (la vente d’indulgences), amorce sans le vouloir un mouvement qui deviendra une religion à part entière, le Protestantisme. En un demi-siècle, la Réforme s’étend à tout le Saint Empire Germanique, en Suisse, aux Pays-Bas, en Angleterre, et bien sûr en France. Il s’agit autant d’un mouvement religieux que politique, les deux domaines étant intrinsèquement liés à l’époque. Or, la Réforme rejette l’autorité du Pape, dont l’Eglise s’immisce en permanence dans les affaires temporelles des royaumes chrétiens.

En France, l’affaire met aux prises les deux camps par l’intermédiaire de l’Amiral de Coligny, chef de file du parti protestant, et du Duc de Guise, chef du parti catholique. Ce dernier est l’un des plus proches conseillers du Roi Henri II qui meurt en 1559 (de la manière que  Michel de Nostre-Dame avait prédit…). Son fils, François II, qui n’est âgé que de 15 ans, confie les rênes du pouvoir à la famille des Guise. François II meurt à son tour quelques mois plus tard, et c’est Charles IX qui monte sur le trône, à 10 ans à peine, en 1560.

L’influence des Guise sur le Gouvernement est énorme, malgré la régence de Catherine de Médicis qui essaie tant bien que mal d’atténuer leur pouvoir en favorisant le parti royal. Les Guise sont si puissants que le parti protestant essaiera de les mettre aux arrêts en 1560, au cours des événements de la Conjuration d’Amboise. Si ce complot échoue, le traumatisme est énorme, car c’est la première fois que le Roi est directement « menacé ». A partir de ce moment, les Guise ont un pouvoir total et un conflit armé débute contre le parti protestant et ses places fortes. A partir de 1562 et le Massacre de Wassy (20 à 74 victimes protestantes selon les sources), les guerres se succèdent. Trois camps sont en présence: le parti catholique, le parti protestant (qui représente environ 2 millions de personnes dans un royaume de 20 millions), et le parti royal que Catherine de Médicis essaie désespérément de garder neutre afin de préserver l’intégrité du Royaume.

En 1570, après des conflits meurtriers et ruineux dans lesquels se sont impliqués des puissances étrangères, une paix durable semble entrer en vigueur, Charles IX accordant aux protestant une certaine liberté de culte par l’Edit de Saint-Germain.

En 1572, sont célébrées à Paris les noces de Marguerite de Valois (future « Reine Margot ») et de Henri de Navarre (futur Henri IV). A cette occasion, qui voit une catholique épouser un protestant, des membres très influents des deux partis sont réunis, dont les Guise et l’Amiral de Coligny. Les événements qui suivent sont sujets à caution et tout et n’importe quoi a été dit à leur sujet, néanmoins il semble que les Guise aient voulu faire assassiner Coligny pour venger l’un des leurs tué dix ans auparavant. S’ensuivent des tensions entre parti catholique et parti protestant, qui culminent avec l’assassinat des principaux chefs protestants présents à Paris. Coligny, qui avait survécu à la tentative d’assassinat, est tiré hors de son lit et défenestré par une petite troupe à la solde des Guise.

Ces assassinats ciblés, dans un contexte de tensions au sein de la population civile, amènent les parisiens à s’attaquer eux aussi aux protestants, au cours de la nuit de la Saint Barthélémy. L’événement provoquera la mort de 3000 personnes en quelques heures, et se répandra dans toute la France au cours de la « saison des saint Barthélémy ». Les sources ne fournissent pas le nombre exact des victimes, mais celles-ci sont estimées à environ 10 000, certains avançant le chiffre de 30 000. Ces massacres traumatisent durablement le Royaume, et aboutiront aux réflexions sur la liberté d’opinion des Lumières au 18e siècle.

Pourquoi ces événements sont-ils importants aujourd’hui, au 21e siècle?

Vous ne pouvez pas avoir manqué les polémiques qui ont émaillé l’été (migrants, burkini australo-libanais…), ni les attentats de Nice et de Rouen, sans parler des attaques dans la rue ou dans les trains (en Allemagne). Plus que jamais en France, les tensions entre musulmans et catholiques sont palpables et aboutissent de plus en plus à des actes de violence, de part et d’autre. Au milieu de ces tensions, se trouve un gouvernement non seulement faible, mais en plus totalement à côté de la plaque et idéologiquement ancré sur des notions totalement faussées.

Avant de poursuivre plus avant, je préfère préciser deux-trois choses. Si j’aime mon pays, je ne suis pas un extrémiste xénophobe. J’aime la société française en ce qu’elle est à l’écoute du monde, de par son histoire, et ouverte aux autres cultures. Même si les français sont parfois arrogants, je ne connais pas d’autre pays où les citoyens organisent autant de fêtes populaires où chacun peut y trouver son compte. Je ne connais aucun autre pays où il y a une réelle volonté de « vivre ensemble », c’est à dire de façon non-communautarisée. Mais cette volonté est en train de disparaître…

Notre ouverture sur les cultures islamiques n’est pas récente: le coran a été traduit par Du Ryer dès 1647 en français; il s’agit à ma connaissance de la première traduction occidentale moderne de ce texte. Voltaire lui-même connaissait partiellement l’histoire de l’Islam et en a tiré en 1742 un pamphlet anti-religieux intitulé Le Fanatisme ou Mahomet le Prophète, dirigé contre l’Eglise Catholique. Au 19e siècle, les Orientalistes « redécouvrent » le Proche-Orient. Avec la campagne d’Egypte de Napoléon Ier, une véritable passion pour les cultures arabo-islamiques et les civilisations pré-islamiques s’empare du pays. Le Coran est retraduit à de nombreuses reprises (en « Alcoran », « Koran », etc), les peintres et les écrivains s’inspirent de thèmes de la culture islamique et ottomane et produisent une vision fantasmée qui finira par motiver en grande partie l’aventure colonialiste française (car avant d’être une conquête, le colonialisme était bel et bien perçu comme une « aventure exotique », avant de se transformer en projet politique conquérant à part entière). Bref, la France a un véritable amour pour les cultures islamiques, de même que nous avons un véritable amour pour les cultures asiatiques, africaines, mésoaméricaines, nordiques ou slaves.

Cet amour est cependant mis à mal depuis une vingtaine d’années, au point qu’aujourd’hui, une hostilité communautaire réelle est palpable. Il suffit de regarder les commentaires d’un article faisant vaguement allusion aux conflits orientaux ou à la religion pour se rendre compte qu’il existe une véritable fracture d’origine religieuse entre européens et maghrébins, quelle que soit leur nationalité, et d’autant plus dangereuse que personne ne semble avoir l’intelligence ou le courage d’énoncer les problèmes et de proposer des solutions sans stigmatiser et catégoriser les uns ou les autres.

Là encore je préfère préciser quelques petites choses. Les deux « camps » ont tort, et sont manipulés par des groupes d’influence qui ont leur propre agenda politique, et qui se servent des événements à leur profit pour donner l’illusion qu’ils ont raison. De façon générale, les gens aspirent à la paix et à la bonne entente, quelle que soit leur culture ou leur origine, mais le climat ambiant est délibérément anxiogène, avec un risque terroriste islamiste omniprésent dans les médias et dans la bouche de nos gouvernants. On oublie cependant beaucoup trop que la France est un Etat laïc où la liberté d’opinion et de conscience est protégée et promue, et la Religion est en principe séparée de l’Etat, appartenant à la sphère privée pour ne pas dire personnelle.

En principe.

Depuis 2003 en effet, l’Etat a créé à l’instigation du Ministre de l’Intérieur d’alors, Nicolas Sarkozy, le Conseil Français du Culte Musulman (CFCM), association de type loi 1901 pour « représenter les musulmans de France ». Par pur opportunisme électoral, il s’agissait de promouvoir une vision idéologique communautariste de la religion musulmane, dans un contexte où le candidat à l’élection de 2007 entendait promouvoir la « discrimination positive » à l’américaine, alors que les pays anglo-saxons n’intègrent pas leurs minorités mais favorisent le communautarisme intégriste, qu’il soit religieux (qu’on pense aux Mormons, à la Scientologie ou aux Amish, qui se rassemblent dans des villes créées de toutes pièces pour eux) ou militant (groupes d’influence pro-Israel, associations LGBT, lobbys pro-armes…). Son adversaire, le premier Ministre Dominique de Villepin, a créé en 2005 la Fondation des Oeuvres de l’Islam de France, dans une optique moins clivante puisqu’il s’agissait de permettre le financement transparent des Mosquées et de leur fonctionnement. Dans la foulée, le Gouvernement français a opéré un rapprochement spectaculaire avec l’Arabie Saoudite, les Emirats Arabes Unis et le Qatar à des fins affairistes et financières. En contrepartie, notre pays a accueilli des religieux formés dans ces pays, c’est à dire issus de mosquées salafistes et traditionalistes. S’il faut reconnaître que cette pénétration des doctrines traditionalistes islamistes ne date pas de cette époque puisqu’on peut en trouver l’origine avec la création de l’Union des Organisations Islamiques de France (UOIF) en 1983, fédération proche des Frères Musulmans (désormais considérés comme organisation terroriste) et le mouvement politique islamique Ennahdha (le même qui prendra le pouvoir en Tunisie après la chute de Ben Ali en 2011), la pénétration des idées extrémistes s’est largement accélérée en France dans les années 2000.

Depuis lors, les polémiques n’ont jamais cessé, et les conflits proche-orientaux ont été importés sur notre territoire. Alors que nous n’étions pas visés par les attentats d’Al Qaïda après le 11 septembre (et qui ont frappé Madrid en 2004 et Londres à deux reprises en juillet 2005), nous nous sommes retrouvés en première ligne en raison de la publication par Charlie Hebdo des caricatures de Mahomet en février 2006. L’intervention en Afghanistan promue par le président Sarkozy a permis le recrutement de jeunes français par Al Qaïda (comme Mohamed Merah), et la radicalisation d’un nombre de plus en plus croissant de fidèles musulmans aux opinions rigoristes.

Comment en est-on arrivés là? Contrairement à l’idée générale, le terrorisme ne trouve pas son origine et sa justification dans une lecture post-colonialiste des interventions occidentales au Proche-Orient. Nous ne sommes pas ciblés parce que nous bombardons la Syrie ou soutenons (de moins en moins) Israel. Les attentats actuels proviennent d’une radicalisation qui a pris énormément de temps, et dont l’origine en France peut être retracée aux années 1980. Le mouvement Ennahdha (fondé en 1981) et les Frères Musulmans (fondés en 1928), qui ont dirigé l’UOIF, sont des mouvements politiques ET religieux: ils promeuvent l’idée de sociétés islamiques soumises à la Charia, bref en quelques mots, de conquérir et convertir les Etats non-islamiques pour instaurer un Califat Islamique (une obsession chez les intégristes musulmans), selon des préceptes pseudo-religieux datant de la fin du 19e siècle. Or, leur méthode est celle de la patience: par de petites touches, ils avancent leurs pions et radicalisent suffisamment de gens sans en avoir l’air jusqu’au moment où ils peuvent prendre le pouvoir, si possible par les urnes, comme en Tunisie en 2011. Cette méthode a été clairement exposée par Rached Gannouchi, ce qui a provoqué in fine sa chute…

Dans un pays comme la France, très ouvert aux autres historiquement et par nature, ces islamistes ont avancé leurs projets par des demandes à priori légitimes, comme la reconnaissance des fêtes religieuses (Ramadan, Aïd, Pélerinage à la Mecque), puis la reconnaissance du régime Halal dans la société (alors que les méthodes d’abattage rituel sont totalement contraires aux méthodes normalement en vigueur en France), puis la tenue de congrès de plus en plus importants, la volonté de promouvoir les « minorités visibles » à la télévision (alors que la France ne reconnaît qu’un type de citoyen quelle que soit son origine, le citoyen français…), puis la promotion de « produit ethniques« , puis la tentative de promotion d’un néo-créationnisme religieux à l’école, puis l’apparition de plus en plus fréquente de vêtements intégristes comme le Niqab (et désormais le Burqini)… Cet islamisme littéralement rampant a bénéficié d’une part de la bonne volonté française de ne pas exclure qui que ce soit de la vie publique, et d’autre part du militantisme idéologique et sélectif d’organisations pseudo-antiracistes qui oublient systématiquement de prendre fait et cause pour les asiatiques, accusent d’islamophobie toute personne critiquant les dérives communautaristes et intégristes de certains musulmans, et nient l’existence du racisme à l’encontre des populations blanches, comme si seuls les blancs étaient racistes

Aujourd’hui, la société française se polarise entre d’un côté les « antiracistes » et les islamistes, et de l’autre, les « nationalistes » (qui ne savent même plus pour quelle France ils militent, entre Vichy et Napoléon) et leurs alliés catholiques intégristes (Civitas, Deus Vult, Manif Pour Tous, SOS tout petits, et toute cette nébuleuse nauséabonde). Et au milieu, donc, des gens qui essaient d’éviter le conflit entre les deux camps, gens qui sont de moins en moins nombreux. Ces deux camps-là veulent en découdre. La rhétorique islamiste est désormais celle de la future guerre civile (« pour la défense des minorités musulmans opprimées »), de même que celle des « néonationalistes » (qui prônent la défense armée du « peuple français de souche »).

Une nouvelle guerre civile, religieuse, est tellement plausible désormais en France qu’elle devient désormais un sujet littéraire et un sujet de propagande.  C’est également une notion qui revient en permanence dans les commentaires d’articles voire dans la bouche des professionnels eux-mêmes.

Quatre siècles et demi après la sanglante Saint Barthélémy, des organisations politico-religieuses menacent une nouvelle fois de déchirer notre pays et de le plonger dans le sang et le chaos. On ne peut plus se permettre de tolérer l’intrusion du fait religieux dans la vie quotidienne de notre société: il faut le combattre de toutes nos forces, qu’il s’agisse de l’Islam ou de l’Eglise, qu’il s’agisse d’organisation religieuses ou de leurs soutiens indirects (partis, franc-maçons, associations…), sous peine de voir notre belle France se muer en un nouveau conflit des Balkans. Seule la laïcité la plus radicale et la plus intransigeante pourra nous éviter le pire…

De la diffusion de la peur du réchauffement climatique

Inondation de Venise, Andrea Pattero/AFP/Getty Images
Inondation à Venise, Andrea Pattero/AFP/Getty Images

De temps en temps, l’actualité fait que la population ne se préoccupe plus vraiment du temps qu’il fait, et oublie totalement le « réchauffement climatique ». Les choses étant ce qu’elles sont, on a tendance à se préoccuper de ce qui nous menace vraiment directement, plutôt qu’une vague menace sur laquelle personne ne se met d’accord formellement.

Alors on voit surgir de nulle part des articles comme celui-ci, nous parlant d’un coin que personne ne connaît, que personne n’ira visiter, et que peu de monde peuvent situer sur une carte (le Liberia, pour info, c’est un petit pays d’Afrique de l’ouest équatoriale situé au bord de l’Atlantique, juste à côté de la Côte d’Ivoire).
Avant de poursuivre, je vous invite à lire l’article, ça va prendre deux à cinq minutes. Nan, nan, vraiment, lisez-le.
C’est fait?
Quel drame n’est-ce pas? Tous ces pauvres gens, menacés par le « réchauffement climatique » et la fonte des glaces (un comble pour un pays tropical!). De quoi se sentir un peu mal pour eux et triste, et prendre de bonnes résolutions n’est-ce pas?

Sauf que tout est bidon. Bon, pas la partie drame humain qui elle est réelle, mais l’explication donnée: le véritable problème qui touche West Point, ce n’est pas la montée des eaux, mais l’érosion des sols sablonneux.

Vue aérienne du bidonville de West Point
Vue aérienne d’une partie du bidonville de West Point (détail), construit en partie sur des bancs de sable

La montée des eaux sur tout le 20e siècle (100 ans, donc) est estimée entre 12 et 22cm (cf. par exemple Stéphane Malebranche, Le Changement Climatique: du méta-risque à la méta-gouvernance, p. 63, consultable via google books), la moyenne annuelle depuis 1992 s’établissant à un peu moins de 3mm/an, soit donc une élévation totale de 17 à 27 cm depuis 1900. C’est loin, très loin de permettre une submersion de ces quartiers ou, autre cas qui revient tout le temps chez Greenpeace, de l’archipel des Kiribati, même en intégrant les effets cumulés des vagues et des courants. Pour les Kiribati, c’est l’enfoncement du plancher océanique qui est en cause, et l’érosion des sols. Les marées et les vagues, même de petite ampleur, érodent en effet énormément les côtes (cf les côtes d’Armor ou le phénomène d’érosion fluviale des sols au Bangladesh). Le sable, de par sa nature, doit être considéré comme un fluide qui se déplace au gré des flots en fonction de leur vitesse (courants) et de leur puissance (houle/marées). Si on en enlève quelque part, la nature va avoir tendance à en remettre pour « lisser » le trou (pensez aux trous et châteaux de sables sur les plages, il n’en reste rien après 24h: c’est le même principe).
Or, saviez-vous que le sable des plages est pillé par certaines multinationales avec la complicité des autorités locales pour être employé dans la construction, parce qu’il y a une « pénurie » mondiale de sable utilisable dans la construction? L’Afrique sub-saharienne est particulièrement touchée par ce phénomène, qui n’épargne donc pas le Liberia. Les côtes sont redessinées au fil des ans à cause de ce commerce-là. La pauvreté extrême amène les populations à s’établir là où elles le peuvent, y compris les plages, bancs de sable et autres dunes, ce qui accentue ce phénomène, et surtout le rend visible de par ses conséquences parfois catastrophiques. La plage n’est pas habitable, elle est une zone d’interface, d’échange entre l’univers marin/océanique et l’univers terrestre. En une année, une plage peut changer de visage au point d’être méconnaissable. Seuls les aménagements du littoral donnent l’illusion d’une permanence.

Un cas d'érosion naturelle qui a fait la joie des journalistes de BFMTV, TF1 et France 2 l'année dernière...
Un cas d’érosion naturelle qui a fait la joie des journalistes de BFMTV, TF1 et France 2 l’année dernière…


L’érosion des sols sablonneux est bien évidemment aggravé par les phénomènes climatiques exceptionnels que sont les tempêtes, dont le GIEC prédit qu’elles seront plus fréquentes et plus violentes au cours du 21e siècle. Si le changement climatique a un impact, c’est donc à ce niveau là, et non en raison de la prétendue montée des eaux (qui bizarrement ne semble pas être beaucoup remarquée dans les ports…).
Entendons-nous bien: le changement climatique est un phénomène difficilement contestable. On observe un recul sans précédent de mémoire d’homme des glaciers, une diminution de la banquise (surface, épaisseur), et la fonte des glaces induit une hausse globale du niveau de l’eau. C’est un phénomène qui existe depuis au moins 10 000 ans (fin de la dernière glaciation) et semble s’accélérer depuis un moment indéterminé du 20e siècle (on ne peut pas accuser par exemple les tests nucléaires atmosphériques, ce qui indique que le phénomène est diffus dans l’espace et dans le temps). L’érosion des littoraux est probablement affecté dans une certaine mesure par le changement climatique, mais certainement pas au point d’accuser celui-ci d’être responsable d’un phénomène physico-chimique parfaitement naturel tel que l’érosion.

Ce qui est largement contestable en revanche, c’est cette propension des médias et d’une certaine partie des lobbys « écologistes » et des scientifiques à jouer sur l’aspect dramatique des événements pour les faire coller à cette espèce de grosse blague qu’est devenue la doctrine du « réchauffement climatique ». Lors de la tempête Xynthia en 2010, tout comme lors de l’Ouragan Katrina en 2005, on nous a présenté les faits comme résultants de quelque chose d’inéluctable dont l’homme est responsable: l’émission de carbone dans l’atmosphère dont le résultat est le réchauffement climatique.

Vue des quartiers populaires de la Nouvelle Orléans après le passage de l'ouragan Katrina, 2005
Vue des quartiers populaires de la Nouvelle Orléans après le passage de l’ouragan Katrina, 2005

Or, ce n’est pas vrai. Dans les deux cas, les catastrophes étaient évitables et ne se sont produites que parce que les autorités locales et nationales se sont défaussées de leurs responsabilités, d’une part en permettant l’installation dans des zones à risque parfaitement identifiées, d’autre part en ne procédant pas aux investissements nécessaires pour la rénovation et l’entretien des aménagements littoraux. Le même phénomène touche actuellement West Point au Liberia, mais une décennie après la catastrophe de la Nouvelle Orléans, on en est toujours au même point: c’est la faute au réchauffement.
Il serait vraiment souhaitable pour nos sociétés que l’on arrête de faire croire que les catastrophes sont inéluctables et le fait de choses supérieures à nous (Réchauffement, Rayons Cosmiques, Dieu…). Elles sont le fait d’hommes et de femmes dont la seule référence est le résultat d’un calcul coûts/bénéfices/risques qui prennent des décisions dans l’unique but de s’enrichir. Se défausser ainsi sur la Nature en nous pointant du doigt parce qu’on boit de l’eau en bouteille plastique (c’est de notre faute à nous, nous!) est proprement scandaleux.
Ceux qui vous font croire que les catastrophes naturelles sont inéluctables vous mentent. Même sans maîtriser la Nature, on peut prévenir ses impacts négatifs avec un minimum de bon sens et d’humanité.
C’est peut être ça, finalement, le grand problème aujourd’hui: au lieu de voir des pauvres et des exclus de la société, vivant dans des conditions de précarité effroyables, on préfère voir la main invisible de la Providence.

La France est-elle un pays chrétien?

En 1905, après un long combat mené depuis les débuts de la IIIe République (1875), la Loi actait la séparation de l’Eglise et de l’Etat.

Affiche allégorique figurant la séparation de l'Eglise et de l'Etat.
Affiche allégorique figurant la séparation de l’Eglise et de l’Etat.

Celui-ci ne devait plus financer ou rémunérer une quelconque activité cultuelle avec l’argent des contribuables, et l’enseignement public devenait par conséquent laïc. Sans catéchisme à l’école, la Religion devenait ainsi l’affaire de la famille, dans la sphère du privé.

Cette laïcité ne s’est pas faite dans la violence et n’a pas été plus conflictuelle que cela: les organisations religieuses  conservaient l’utilisation des lieux de culte lorsqu’elles en justifiaient l’usage, les congrégations religieuses étaient officiellement reconnues depuis la Loi sur les associations de 1901, et le denier de l’Eglise, au lieu de financer le train de vie luxueux des prélats, était désormais destiné à la rémunération des prêtres et à l’entretien de leurs lieux de vie. Certains diocèses ont d’ailleurs pu racheter à l’Etat des édifices religieux sans aucun problème, et le 20e siècle a vu la construction d’environ 5000 édifices religieux par les Eglises (ce chiffre n’inclut pas les Mosquées et autres salles de prières musulmanes).

Comment expliquer que cette séparation se soit faite sans grands heurts, quoiqu’en disent les catholiques?

Il faut rechercher les racines de cette Loi plusieurs siècles auparavant, avec les guerres civiles de religion de la seconde moitié du 16e siècle. L’extrême violence des conflits opposant catholiques et protestants était très mal endiguée par les partisans du pouvoir royal, qui essayait de faire office de médiateur.

Illutstration tirée d'un ouvrage d'histoire pour enfant présentant les Dragonnades sous son angle le moins violent: le pillage des denrées alimentaires.
Illustration tirée d’un ouvrage d’histoire pour enfant présentant les Dragonnades sous son angle le moins violent: le pillage des denrées alimentaires.

Les massacres de la Saint Barthélémy d’août 1572 avaient fait des milliers de morts (3000 rien qu’à Paris, jusqu’à 30 000 au total dans le royaume selon les sources), et les campagnes étaient tout aussi touchées que les villes par les razzias, les pillages et les massacres à plus ou moins grande échelle. Si l’on cite régulièrement l’Edit de Nantes de 1598 comme modèle de tolérance religieuse, on oublie un peu trop souvent que les guerres de religions ont été relancées sous Louis XIV par l’envoi de régiments de Dragons (soldats royaux) dans les régions protestantes, pour vivre à la charge des familles. Concrètement, les protestants devaient nourrir, loger et entretenir les troupes, qui la plupart du temps se livraient au pillage des biens voire aux viols. Il s’agissait pour les protestants soit de se convertir au catholicisme pour faire partir les soldats, soit d’émigrer, avec tous les risques que cela comportait à l’époque.

Les persécutions religieuses n’étaient évidemment pas propres à la France et ont largement secoué toute l’Europe. L’émigration des puritains (protestants) anglais vers l’Amérique avec le célèbre épisode du Mayflower a lieu à partir du début du 17e siècle, preuve que la question n’a pas touché que notre pays. Ce conflit a en tout cas traumatisé durablement les pays qui ont eu à en souffrir, au point que la concorde entre religions deviendra une préoccupation majeure pour la société civile.

C’est sous les Lumières que sera mise en avant la Liberté de Conscience, c’est à dire le droit pour chacun d’exercer le culte qu’il désire. Les philosophes des Lumières eux-mêmes se détachaient de la religion: s’ils croyaient effectivement en un Dieu, il s’agissait plus pour eux d’être déistes que catholiques ou protestants. De fait, les seuls véritables dévôts parmi les intellectuels étaient ceux faisant partie de la Compagnie de Jésus, ou « jésuites ».

L’existence de Dieu était ainsi reconnue, mais d’une façon qui transcendait les confessions. Ce proto-laïcisme permettait la cohabitation de tous avec chacun, y compris les israélites (juifs) dans un pays très largement catholique.

Index des Livres Interdits suivant la règle définie par le Concile de Trente en accord avec les Pères de l'Eglise, 1564
Index des Livres Interdits suivant la règle définie par le Concile de Trente en accord avec les Pères de l’Eglise, 1564

L’Eglise avait néanmoins conservé une toute-puissance dont elle abusait, et ses prélats vivaient dans une opulence intolérable dans une France qui crevait de faim. Rappelons de plus que l’Eglise avait mis en place dès le 16e siècle un Index des livres interdits (dont la Bible de Gutemberg…) que la Sainte Inquisition faisait appliquer avec zèle partout où elle pouvait exercer son action (c’est à dire, dans tous les royaumes catholiques), quitte à faire brûler les « hérétiques », comme l’affaire du Chevalier de la Barre l’illustrera suffisamment en 1745.

L’anticléricalisme qui marqua l’après Révolution et tout le 19e siècle s’explique par cette omniprésence de l’Eglise dans les affaires privées et politiques, et le refus de se réformer pour gommer les abus. L’émergence des socialismes puis du marxisme achèveront de convaincre de la nécessité d’écarter les religions de la sphère du Pouvoir pour concrétiser la paix civile, quitte à les supprimer totalement comme Lénine et Staline tenteront de le faire après la Révolution Bolchévique.

La IIIe République est profondément marquée par la Commune de Paris de 1871, et s’inspire dès ses origines de ses expérimentations sociales pour bâtir un Etat-providence prenant en charge beaucoup d’aspects de la vie quotidienne: organisation du travail, organisation de l’éducation, premières tentatives d’établir les standards de la santé publique, développement industriel, technologique et urbain…

page de titre du journal satyrique anticlérical La Calotte, 1903
page de titre du journal satyrique anticlérical La Calotte, 1903

Autant de sujets sur lesquels l’Eglise s’est avérée incapable de non seulement prendre position, mais surtout de s’adapter. Comment un curé aurait-il pu comprendre ses paroissiens qui passaient leurs vies à l’usine ou à la mine, quand lui-même vivait confortablement en étant rémunéré sur les impôts des travailleurs? Le nouveau mode de vie industriel avait en réalité largement acté la laïcité dans la société civile, bien avant 1905, mais la survenance de l’Affaire Dreyfus va relancer la crainte d’un conflit religieux dans le débat public, affaire durant laquelle les désaccords ont largement dépassé le cadre du strict débat pour dégénérer en violences physiques, anticléricalisme (chez les dreyfusards) et antisémitisme (chez les anti-dreyfusards, majoritairement catholiques).

Plus que la séparation de l’Eglise et de l’Etat, la Loi de 1905 actait la liberté de conscience et l’égalité de dignité de toutes les religions (catholicisme, protestantisme, judaïsme…), c’est à dire arrêtait de cautionner la domination catholique sur les esprits et les âmes, sans pour autant faire la promotion des autres confessions, au prix de l’insatisfaction d’une minorité de gens réellement choqués par cette Loi.

La suite, on la connaît. Hormis la période fasciste au cours de laquelle des dictateurs ont voulu entreprendre le remplacement des religions par un culte de la personnalité voire un néo-paganisme (Allemagne Nazie), la Religion a largement été repoussée dans la sphère privée. Couplé au psychodrame du concile Vatican II, ce recul a amené l’Eglise catholique à quasi disparaître de la sphère publique, hormis dans une frange généralement aisée et/ou issue des vieilles familles de la noblesse française.

Fausse-publicité parue dans le journal Charlie-Hebdo dans les années 1980
Fausse-publicité parue dans le journal Charlie-Hebdo dans les années 1980

Dans les années 1960-70, des journaux comme Pilote, Hara-Kiri ou Charlie Hebdo n’ont finalement fait que tirer sur l’ambulance. L’irrévérence à l’égard des religieux, démarrée avec Voltaire au 18e siècle, a fini par aboutir deux siècles plus tard à une tradition anticléricale ou en tout cas largement déconnectée des religions.

Comment expliquer alors qu’en 2016, on trouve des gens pour nous expliquer que la France est un pays chrétien, ou que l’Europe a des racines chrétiennes?

Il est difficile de déconnecter ce retour en force du christianisme autrement que par l’intrusion dans le débat public de la question religieuse tournant autour de l’Islam. Parce que la France compte 5 millions de musulmans, des hommes politiques en difficulté électorale ont essayé de séduire les pratiquants de l’Islam en leur permettant de s’inviter dans le débat public, par le biais du problème du racisme. En associant les populations d’origine maghrébines à une pratique religieuse, puis en mettant en doute ces pratiques religieuses (Voile…) pour mieux faire semblant de vouloir les contrôler (Création du CFCM à l’initiative de Sarkozy en 2003), ces apprentis magiciens ont fini par faire renaître de ses cendres le conflit interreligieux qui s’était éteint définitivement après 1905, malgré un bref retour sous le régime de Vichy.

Car finalement, c’est bien le fait que l’Islamisme ait été promu (directement ou non) qui a permis au christianisme de renaître à ce point.

Comment peut-on faire confiance à un homme au regard si diabolique?
Comment peut-on faire confiance à un homme au regard si diabolique?

Ratzinger/Benoit XVI (ancien patron de la Congrégation de la Foi, héritière de la Sainte Inquisition) ne s’y était pas trompé et avait profité de l’aura de Jean-Paul II et de sa volonté d’oecuménisme (union dans la Foi) pour réintégrer les groupes intégristes comme les lefebvristes au sein de l’Eglise…

Depuis une dizaine d’années, on voit le retour du discours religieux dans la bouche d’une certaine Droite et d’une certaine extrême Droite. Les fins électoralistes sont évidentes, mais elles récupèrent ainsi à leur profit la peur de l’islamisme et font naître l’illusion que la France a une tradition de proximité avec la chrétienté, c’est à dire l’Eglise Catholique. Or, ce n’est pas vrai, ou en tout cas, ce n’est plus vrai depuis près de trois siècles. S’il ne s’agissait que d’une question de Foi, d’opinion religieuse par essence personnelle ou en tout cas ne quittant pas le cadre familial, il n’y aurait pas vraiment de problème.

Seulement voilà, la Loi sur le Mariage pour Tous a démontré qu’une partie de la population française recommence à adhérer à l’idée que l’Eglise a toute légitimité pour s’inviter dans le débat politique et la vie publique. Comme à l’époque du PACS, lorsqu’en plein débat parlementaire à l’Assemblée Nationale, Christine Boutin avait brandi une Bible, on a pu voir des gens faire appel à la Bible pour justifier leur opposition au mariage gay, en faisant mine d’ignorer que le même texte n’est rien d’autre qu’un pamphlet de haine et un appel au viol et au meurtre envers absolument tout le monde. S’agissait-il pour eux de défendre leur mode de vie? Non, puisque ni leurs droits, ni leurs vies n’étaient et ne sont visés par cette loi-là. S’agissait-il de défendre leur religion? Même pas, puisque le mariage civil n’a rien à voir avec le mariage religieux et que la Loi n’obligeait en rien les prêtres à marier des homosexuels.

On aura surtout retenu de leur croisade anti homosexuels ce spectacle surréaliste qui aurait pu faire rire s'il n'avait pas suggéré des tendances bien plus sombres que le simple burlesque...
On aura surtout retenu de leur croisade anti homosexuels ce spectacle surréaliste qui aurait pu faire rire s’il n’avait pas suggéré des tendances bien plus sombres que le simple burlesque…

Aujourd’hui, ces gens tiennent la ligne en se réfugiant derrière le combat contre la Procréation Médicalement Assistée (fécondation in-vitro et autres) et surtout la Grossesse pour Autrui (débat légitime, mais pas pour des questions d’ordre religieux). Ils n’hésitent pas à se lier avec des partis et groupes qu’ils condamnaient encore il y a peu,  preuve que le retour du religieux est moins le retour d’une Foi qu’une réaction identitaire face à la religion islamiste.

Or, l’Histoire a démontré qu’on ne combat pas un extrémisme religieux par un autre extrémisme religieux. Nos guerres de religion ont duré des décennies et n’ont rien résolu. Seule la reconnaissance des deux côtés de la nécessité de la Concorde a pu dénouer le conflit, et seule la séparation stricte des Eglises et de l’Etat a permis à la France d’être enfin en paix. Plus que jamais, il est nécessaire de défendre la Laïcité et de refuser l’intrusion des religieux dans nos vies, dans notre politique et dans notre société.

Ce n’est pas en rejoignant l’Eglise catholique, ou en rejoignant les fidèles de pseudo-religieux comme Morgan Priest que vous ferez reculer la religion musulmane, mais bien en refusant toutes les religions et en protestant à chaque fois qu’un de nos soi-disant hommes politiques prétendra faire appel aux religieux pour résoudre nos problèmes. Les Religions n’ont jamais rien résolu et n’ont généré que des conflits sanglants.

Voilà pourquoi la France n’est pas chrétienne mais laïque et ses traditions sont plus anticléricales qu’autre chose.

N'oubliez jamais
N’oubliez jamais que juifs, chrétiens et musulmans ont le même Dieu. Le même.

 

L’imposture pseudo-chrétienne du 21e siècle

tronche
Ma tronche, en découvrant ces horripilantes vidéos sur Youtube.

Ils sévissent depuis un certain temps, mais l’actualité se focalisant sur les vilains musulmans-qui-sont-des-terroristes-mais-pas-d’amalgames, ils passent à peu près inaperçus. Enfin, pas tant que ça, puisque j’ai fini par tomber sur un certain nombre de vidéos youtube où ils se mettent en scène.

Je parle des pseudo-nouveaux-chrétiens que sont Shora Kuetu, Morgan Priest, Claude Ignerski… et malheureusement, bien d’autres. On les reconnaît facilement: ils déclarent ne relever d’aucune Eglise, d’aucun clergé, d’aucun courant, et se déclarent « simplement chrétiens », suivant les enseignements de la Bible, et ont généralement écrit des livres et/ou publié des vidéos sur youtube. Certains joignent le geste à la parole puisqu’ils n’hésitent pas à aller « baptiser » des « convertis ».

Les formes que prend ce néo-évangélisme sont directement inspirées des méthodes évangélistes américaines, qu’elles soient mormones, protestantes, catholiques, ou autres. Elles ont également énormément influencé les radicaux islamistes en inspirant les mouvements jihadistes.

Ces gens, donc, rejettent les clergés, qu’ils considèrent comme manipulés par Satan, ou la franc-maçonnerie, ou ce qu’on veut. L’important, c’est d’avoir une base pour décrédibiliser leur parole et amener le fidèle à écouter. Ils ne s’en réfèrent donc qu’à la Bible, selon leurs propres mots.

Oui, mais à quelle Bible?

Probablement celle que l’on trouve dans toutes les librairies, l’édition interconfessionnelle qui efface les différences entre les traductions des bibles catholiques (basées à l’origine sur le Latin, puis sur l’Hébreu depuis quelques décennies) et celles des bibles protestantes (basées sur l’hébreu), sans oublier celles des bibles orthodoxes (basées sur le grec ancien). Or, cette Bible, dans sa forme actuelle, a été homogénéisée à l’initiative… du Vatican. L’Eglise Catholique, donc.

Avant les années 1970, on trouve des bibles avec des traductions différentes, mais intégrant également des textes différents. Ainsi, la Bible des protestants n’inclut pas les textes dits deutérocanoniques, c’est à dire issus du deuxième canon.

Pour comprendre cette différence, il faut remonter un peu dans le temps, aux origines mêmes de la Bible. Pendant les premiers siècles, les églises greco-orientales et les églises romaines sont en compétition, du fait de la scission de l’Empire romain entre l’occident, centré sur Rome, et l’orient, centré sur Constantinople. Le Pape de Rome et le patriarche de Constantinople essaient de prendre l’ascendant l’un sur l’autre pour obtenir l’imperium sur les fidèles, c’est à dire, diriger l’ensemble des églises du monde chrétien. Cette rivalité est essentiellement théologique, c’est à dire interprétative des écritures, ce qui ne va pas sans conséquences: quelques évêques s’insurgent de l’interprétation des textes qui est faite par le Patriarche et le Pape, et présentent leurs propres interprétations. C’est le début des grandes hérésies.

Or, les hérésiarques et les églises luttent les uns contre les autres en invoquant des textes radicalement différents. Certains textes sont d’inspiration gnostique, d’héritage platonicien et égyptien (la Grèce et l’Egypte étaient culturellement très proches jusqu’à l’arrivée des romains aux alentours de -50av. JC), c’est à dire fonctionnant plutôt comme les cultes à mystères dont le plus célèbre est celui d’Eleusis. D’autres textes sont écrits par des juifs rejetant l’universalité du christianisme, selon la tradition des apôtres originels rangés derrière Pierre, qui deviendra Saint Pierre. Pour ceux-ci, avant d’être chrétien, il est nécessaire d’être juif, et donc, notamment, de passer par… la circoncision, ce qui ne manque pas de rebuter la majeure partie de la population masculine à une époque où les conditions d’hygiène n’existent pas plus que la télévision. Enfin, d’autres textes sont écrits par des chrétiens à l’origine païens, qui rejettent la circoncision et mangent la viande des animaux sacrifiés aux idoles païennes, et qui suivent plutôt l’enseignement de Saint Paul.

Dans tout ce joyeux bordel, on comprend très vite que le nombre d’incohérences et même de contradictions est si élevé que n’importe qui peut dire n’importe quoi à propos de tout, et se prétendre chrétien. Les évêques de tous les courants organisent donc l’uniformisation de la Foi en déterminant quels textes sont « authentiques » (canoniques) et lesquels ne le sont pas (apocryphes). Pour les églises relevant de l’autorité du Pape romain, le canon est fixé aux conciles de Carthage en 393 de notre ère, et d’Hippone, en 397. Ce canon sera finalement accepté par les églises greco-orientales au concile In Trullo de 692, même si quelques courants intègrent plus de texte dans le canon qu’ils reconnaissent (l’Eglise d’Ethiopie intègre à sa Bible le livre d’Hénoch, par exemple). Lorsque la réforme protestante surgit et s’oppose à Rome, elle le fait en contestant la canonicité de certains textes, dits deutérocanoniques, c’est à dire « reconnus canoniques au deuxième [concile] ». Ces textes avaient déjà été contestés par les églises grecques, au cours de trois siècles de discussions. Pour s’opposer à la Réforme, Rome décide de confirmer son canon « pour toujours » par le biais du Concile de Trente, en 1546.

Les Bibles lues aujourd’hui par les pseudo-évangélistes ne sont donc pas des Bibles « universelles », mais des Bibles issues d’un double consensus, le premier datant du 16e siècle, le second du 20e siècle.

Cela signifie qu’un nombre important de textes des origines de la chrétienté est totalement ignorée. Ce n’est pas pour rien que les manuscrits de la Mer Morte ont fait un tel foin quand on les a découverts à la fin des années 1940: on a redécouvert des livres bibliques que l’on pensait perdus. L’ensemble du corpus biblique recouvre l’ancien testament, les évangiles et les épîtres formant le nouveau testament, l’Apocalypse de Jean, mais également les livres dits apocryphes, les écrits gnostiques, ainsi que les écrits intertestamentaires, rédigés entre les textes de l’ancien testament et ceux du nouveau.

Sur le catalogue de la collection La Pléiade, ancien et nouveau testament font environ 5000 pages. Si l’on y ajoute celles des ouvrages exclus par le canon de l’Eglise catholique et des autres, il faudra connaître 8000 pages de plus.

Je repose donc ma question: sur quelle Bible ces mecs se basent-ils pour débiter leurs conneries à destination des gens qui vont les écouter? Si c’est la Bible du supermarché, dans ce cas ils n’ont pas le droit de prétendre ne relever d’aucune Eglise: ils font partie de l’œcuménisme voulu par le Vatican dans les années 1970.

Pour être franc, je ne suis même pas sûr que la plupart de ces mecs ont vraiment une Bible chez eux. On les voit faire de jolies captures d’écrans de sites internet dont la traduction n’est même pas précisée. Or, celle-ci revêt une importance capitale. Pendant plus d’un millier d’années, la Bible latine affirmait que Moïse, en redescendant de la montagne avec les tables de la Loi, avait le front orné de cornes, fait magnifiquement gravé dans le marbre par Michel-Ange. Aujourd’hui, on traduit plutôt ce passage par « il avait la figure rayonnante », ce qui ôte le caractère démoniaque (les cornes) de l’une des figures majeures de la Bible…

Je ne peux même pas dire que ces gens sont, au fond, des croyants qui essaient de trouver leurs réponses. Non. Il suffit d’arpenter leurs sites officiels pour constater la présence de ces petits encarts Paypal « faire un don ». Ce ne sont rien d’autre que des putes à clic, des sangsues qui vivent directement ou indirectement (ou essaient, en tout cas) sur le dos de gens sincères qui les écoutent, et qui racontent absolument n’importe quoi.

Selon Claude Ignerski, le « ravissement » (enlèvement par Dieu des vrais croyants avant le déclenchement de la fin des temps) aura lieu à la mi-septembre 2015. Gageons qu’il se sera cramé et qu’on n’entendra plus trop parler de lui en octobre de cette année.

Morgan Priest se présente comme un ancien sataniste/gothique… qui a trouvé la foi du jour au lendemain en 2012. Il aurait aussi été ancien franc-maçon. Il a rédigé sa propre page sur l’Internet Movie DataBase en se présentant comme un artiste incontournable « parti de rien et qui s’est fait tout seul », parce qu’il a réalisé quelques courts métrages. Karatéka. Bodybuilder. Avec surtout un énorme problème d’égocentrisme qui le pousse à se faire remarquer par tous les moyens, que ce soit par son look (crâne rasé façon prêtre égyptien antique, tenue noire + cuir + résilles + breloques argentées + eyeliner) ou par ses vidéos où il se met en scène, ici avec un nouveau converti « sauvé » d’une autre religion, là pour bafouiller des conneries sur la Foi et les textes sacrés.

La liste pourrait continuer longtemps.

Si ces mecs n’hésitaient pas à parler des textes apocryphes pour expliquer leur Foi, rejeter les Eglises et leur pseudo-manipulation des fidèles, et ne se contentaient pas de glisser ici ou là une petite citation biblique trouvée grâce à deux mots-clés sur un moteur de recherche, leur démarche pourrait paraître sincère et finalement, pas si dangereuse. Ce n’est clairement pas le cas: ils manipulent des fidèles (et des moins fidèles) pour satisfaire leurs égos et finalement bâtir leur propre communauté. En langage théologique et juridique, on appelle ça une secte, et ces mecs, on les appelle des gourous.

Méfiez-vous de la manipulation mentale, méfiez-vous des personnes qui se prétendent sincères et indépendantes de tout. Ce ne sont que des loups déguisés en agneaux.

(tant qu’on y est, après tout…
Matthieu 7:15 – Gardez-vous des faux prophètes. Ils viennent à vous en vêtements de brebis, mais au dedans ce sont des loups ravisseurs.)